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Nicolas Badinguet

Publié le 03 janvier 2008 par Roman Bernard

J'ai d'abord écarté les figures antérieures à 1789, car je fais partie de cette droite qui pense que la Révolution, de 1789 à 1792 au moins, a été un moment non seulement capital mais aussi glorieux de l'histoire de France. Si Louis XI, François Ier, Henri IV, Louis XIV ont été de grands rois, ils ne se sont, comme s'en indigne Figaro au sujet du comte Almaviva, « donné la peine que de ne naître », contrairement aux Bonaparte ou au général de Gaulle, qui n'ont dû leur accession au pouvoir qu'à leur génie et à l'adhésion qu'ils ont su susciter chez les Français.
J'ai également considéré que Nicolas Sarkozy, puisque libéral, était un enfant de 1789, même si on peut rapprocher sa pensée, notamment en matière religieuse et morale, de certains courants de la droite légitimiste, contre-révolutionnaire, ce qui explique les possibilités de choisir Philippe Pétain ou Jean-Marie Le Pen comme pères idéologiques de Nicolas Sarkozy. J'ai dû écarter, enfin, des figures comme Louis-Philippe d'Orléans, François Guizot, Adolphe Thiers, Alphonse de Lamartine, Léon Gambetta, Jules Ferry, Georges Boulanger, Raymond Poincaré, André Tardieu, Jacques Chaban-Delmas, Valéry Giscard d'Estaing ou Raymond Barre, car si la filiation idéologique pouvait être établie avec plusieurs d'entre eux, elle n'était plus vraiment signifiante en 2007/2008. Les sept que j'ai retenus, par l'influence, dans la droite française actuelle, qu'ils exercent encore, justifiait à mes yeux leur choix. J'ai attendu la centième réponse pour clore le sondage, afin que chaque voix corresponde à 1 %. Les résultats sont intéressants et plutôt surprenants.
Vous avez donc été 26 à « voter » pour Napoléon III, 23 pour Napoléon Ier, 18 pour le maréchal Pétain, 17 pour Jean-Marie Le Pen, 6 pour Charles de Gaulle et Jacques Chirac, et enfin 4 pour Edouard Balladur, que j'avais choisi uniquement pour le ralliement de Nicolas Sarkozy à la candidature du Premier ministre à l'élection présidentielle de 1995 contre celle de Jacques Chirac, son mentor sinon son « père ».
Vous pouvez retrouver le vote classé par genre et par âge dans les archives, consultables en-dessous du nouveau sondage. Je ne les reprends pas ici car le catalogue des différents votes ferait perdre de sa signification au résultat général.
Si l'on divise les sept personnages en « légitimistes » (Philippe Pétain et Jean-Marie Le Pen), « bonapartistes » (Napoléon Ier et III, Charles de Gaulle, Jacques Chirac) et « orléaniste » (Edouard Balladur), on constate d'abord, ce qui n'est pas vraiment étonnant, la très faible représentation (4%) de ce dernier courant.
Nicolas Sarkozy, malgré la trahison de 1995, préparée par le rôle éminent qu'il occupait dans le gouvernement d'Edouard Balladur (ministre du Budget et porte-parole du gouvernement), n'a jamais été à sa place dans le courant orléaniste, il n'y a jamais donné sa pleine mesure. En témoigne son relatif échec à Bercy, en 2004, ministère qu'il a été trop content d'abandonner pour prendre la tête de l'UMP, au terme d'une élection triomphale (85 % au premier tour) qui correspondait beaucoup plus à la caractéristique proprement bonapartiste du profil idéologique de Sarkozy.
Vous avez été 61, soit près de deux sondés sur trois, à ranger Nicolas Sarkozy sous cette étiquette bonapartiste. Il convient d'apporter une nuance, en soulignant l'extrême sous-représentation de la branche gaulliste du bonapartisme (Charles de Gaulle et Jacques Chirac, 12 %). La politique de « rupture » prônée par le candidat Sarkozy à l'égard de son prédécesseur a peut-être pu faire oublier ce que Nicolas Sarkozy doit à Jacques Chirac dans son ascension politique. Mais le très faible score (6%) du général de Gaulle, lui, est davantage le signe de l'effacement progressif de l'homme du 18-Juin dans l'imaginaire collectif de la droite française.
Enfin, le bon résultat du camp légitimiste (35 %), qui, analyse toute personnelle, doit pour une large part son importance à la volonté de certains sondés de jeter l'anathème sur l'actuel hôte de l'Elysée, s'explique aussi par le conservatisme moral, culturel, religieux, qu'a affiché Nicolas Sarkozy Place Beauvau, ainsi que, dans une moindre mesure, depuis qu'il a été élu président de la République.
Puisque c'est Napoléon III, le « Petit », qui a devancé de trois petits points son glorieux oncle et prédécesseur (avec lequel The Economist comparait Sarkozy juste avant le premier tour de l'élection présidentielle), c'est donc apparemment que, pour vous, Nicolas Sarkozy se rapproche le plus de « Badinguet », cet héritier accidentel du trône impérial qui s'était fait connaître par ses écrits socialisants et ses révoltes contre la monarchie de Juillet avant de devenir le président de la République le mieux élu de l'histoire (74% au premier tour) et le restaurateur de l'Empire. Signe des temps, c'est peut-être qu'a enfin commencé la réhabilitation du dernier souverain de France, qui malgré son sanglant coup d'Etat et le désastre final de Sedan, a beaucoup fait pour faire entrer la France dans la modernité, avec le développement des chemins de fer, de l'industrie, l'instauration du système bancaire et la rénovation des villes. Quant à Napoléon Ier, qui réalise aussi un bon score, ce choix s'explique plus, à mon sens, par la posture napoléonienne adoptée par son lointain héritier que par la réelle équivalence entre les quelques réformes entamées -mais pas terminées- par l'actuel chef de l'Etat et les multiples exploits de l'artisan du Code civil, du vainqueur d'Austerlitz et du médiateur du Concordat.
Roman B.

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