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Blocage de sites web : mieux vaut prévenir que guérir ?

Publié le 08 août 2010 par Olivier Laurelli

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Alors qu’en Australie le blocage des sites web semble voué à une mort plus ou moins certaine, nous avons vu que petit à petit, le big brother français et la police de la pensée étaient en train de faire leur nid. Pour ce faire, on piétinera sans vergogne des principes que l’on pensait acquis comme la liberté d’expression ou la proportionnalité de la peine.

La récente condamnation en référé des principaux fournisseurs d’accès à Internet sur action de l’ARJEL, l’autorité de régulation des jeux en ligne, a bien ouvert, comme nous le craignions, la boite de Pandore. Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free, Numéricable, Auchan Télécom et Darty devront tout mettre en œuvre pour empêcher les internautes français d’accéder aux site n’ayant pas obtenu de licence française. S’il vous prenait l’envie de vous mesurer à des étrangers au poker et accroitre vos gains en vous faisant un peu moins ponctionner au passage, il vous faudrait trouver un fournisseur d’accès alternatif qui n’a pas le privilège de faire l’objet de cette ordonnance du tribunal de Grande Instance de Paris.

Pour l’instant, avec l’ARJEL, comme pour ce que l’on attendait avec les sites pédophiles à qui ce traitement était alors exclusivement réservé, on parle bien de blocage de sites. Le blocage de sites, comme stipulé par la décision de justice qui vient de frapper les FAI, doit se faire par « tous les moyens possibles ». Si les fournisseurs d’accès en venaient à appliquer bêtement cette décision, nous assisterions inéluctablement à une surenchère du flicage et à une multiplication des dommages collatéraux induits par les expériences des apprentis sorciers sur des technologies non maîtrisées comme le routage BGP, le Deep Packet Inspection, le blocage par DNS… Pour faire une analogie simple, c’est comme si un tribunal avait ordonné aux douaniers français de faire en sorte, par n’importe quels moyens (mazoutage, grenadage, filets dérivants…), que les poissons espagnols ne viennent plus croiser dans les eaux territoriales françaises pour bouffer tout notre plancton d’appellation d’origine contrôlée. En plus d’être inapplicable c’est surtout complètement crétin et on sent bien qu’il y a un danger quelque part, on en a bien un qui finira par bâtir une muraille sous marine et qui réussira à déséquilibrer tout l’écosystème. Et bien je vais vous faire confidence… les internautes, c’est comme les poissons, et Internet c’est bien un écosystème à l’équilibre fragile.

Le vrai danger arrivera quand un technocrate ou un lobbyiste aura l’idée de génie de « prévenir plutôt que de guérir« . En clair, quand il préconisera qu’au lieu de bloquer, on pourrait filtrer. En commençant par habituer les FAI à leur nouvelle casquette de gendarme et en les invitant à la repression, ces derniers auront beau rôle de faire de la prévention, c’est à dire filtrer ou bloquer l’accès à certains sites sans même qu’une plainte ne soit déposée. C’est une dérive logique, une de plus, et si elle n’enchante pas tous les fournisseurs d’accès (on sait que Free est le premier à freiner des deux pieds), d’autres se feront une joie de mettre en place le produits de leurs trouvailles. Les apprentis gendarmes ont donc toutes les cartes en main pour se transformer en garants des bonnes moeurs « par prévention ». Du blocage pur et simple, nous pourrions assister au déploiement de solutions d’analyse statistiques de packets (ou stochastic packet Inspection) dans des points de centralisation (régionaux ?) capable d’altérer l’accès à des sites sur simple suspicion née d’une approche probabiliste d’analyse de données qui transitent sur le réseau d’un opérateur. Un simple mail pourrait alors se perdre ou ne jamais partir s’il vous prenait par exemple l’envie de faire écouter votre serveur smtp sur le port 119. Interdire l’accès à des sites passera forcement par des violations de votre privée, on ne sait pas faire techniquement autrement : analyse de vos communications, filtrage des services … vous êtes maintenant prévenus.

En Australie, où je vous disais que le blocage des sites avait toutes les chances d’être définitivement abandonné, nous avons déjà assisté à des débordements : la liste qui ne devait initialement ne comporter que des sites pédophiles avait fuit sur Wikileaks et nous avions eu la surprise d’y retrouver des sites de référencement de liens torrents ou de jeux en ligne…

Enfin, plus proche de nous l’Allemagne a également dit non au filtrage constatant, comme l’Australie, que ce genre de dispositif ne pouvait fonctionner, tout particulièrement dans un pays qui se veut attaché à certaines valeurs démocrates.

Là tout de suite, si je devais monter un tripot en ligne, je le développerai sur la plateforme de blog Haut et Fort, très appréciée des politiques. Je serais curieux de voir si un FAI est capable de nous poser un deny sur *.hautetfort.com et ainsi rendre inaccessibles les blogs de nombreux députés. Le filtrage et le blocage, tant qu’on y a pas gouté, on trouve ça bon… mais dans la pratique ça va donner quoi à votre avis ?


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