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Le pétrole de BP se répand dans l’Océan, mais BP ne veut pas que les chercheurs répandent l’information

Publié le 23 juillet 2010 par Monthubert

La catastrophe environnementale causée par BP a des effets collatéraux écœurants mais aussi éclairants. La BBC a révélé que la firme pétrolière britannique tente d’acheter le silence de chercheurs.En effet, BP a contacté des chercheurs pour leur proposer un contrat de collaboration, en vertu de leur expertise dans les ressources du Golfe du Mexique. Côté pile, tout est beau : il s’agit de s’entourer de spécialistes qui vont aider la compagnie à restaurer l’environnement saccagé par la marée noire. Côté face, la situation est bien différente : les chercheurs qui signeraient le contrat devraient de facto agir dans les intérêts de BP, en empêchant tout travail de recherche financé par des agences fédérales, dès lors qu’il impliquerait ou serait en conflit avec le service rendu à BP. Mieux, aucune publication ou présentation de résultat n’est permise avant 3 ans, ou avant que le plan de restauration soit approuvé. En bref, il s’agit de museler les chercheurs.

Le président l’association américaine des professeurs d’université, Cary Nelson, tire la sonnette d’alarme dans une tribune intitulée « BP and Academic Freedom » :

If knowledgeable scientists cannot testify in court, the ability of injured parties to win just compensation is also jeopardized. But the long-term threat to American society is still more grave: we need independent faculty voices, perhaps more so now — in a knowledge-based society — than ever before. [...] Perhaps this is the time to reexamine the increasing role corporations are playing in funding and controlling university research.

(Traduction : Si des scientifiques experts ne peuvent pas témoigner en justice, la possibilité  pour les victimes d’obtenir un juste dédommagement est aussi détruite. But la menace de long-terme pour la société américaine est encore plus grave : nous avons besoin de voix indépendantes, peut-être encore plus maintenant – dans une société basée sur la connaissance – que jamais auparavant. [...] Peut-être est-il temps de réexaminer le rôle croissant que les entreprises jouent dans le financement et le contrôle de la recherche universitaire.)

Cet événement dramatique vient une fois de plus de montrer à quel point il est essentiel pour notre société de garantir la liberté académique, l’indépendance des chercheurs. La collaboration avec des entreprises est souhaitable, mais pas à n’importe quel prix. Il faut une véritable indépendance des chercheurs. Et pour cela, il faut que le financement de leurs laboratoires, ainsi que leurs salaires, ne dépendent pas de ces collaborations. Or la politique de Nicolas Sarkozy fait fi de toutes ces questions, comme je l’ai expliqué dans une tribune publiée dans Libération.  Dernier en date, le décret sur l’intéressement permettant aux chercheurs de percevoir un bénéfice personnel des contrats qu’ils passeraient dans le cadre de leur laboratoire est très dangereux. Mais pour le pouvoir actuel, toutes ces précautions déontologiques n’ont pas de sens. Peu importe s’il y a conflit d’intérêt, les institutions ne sont vécues que comme des freins, pas comme des protections pour les citoyens. Les attaques contre la justice, contre l’indépendance des fonctionnaires, en particulier des chercheurs, pour protéger les intérêts d’une clique de richissimes membres d’un premier cercle, sont autant de coups portés contre la République et donc contre les citoyens. Ce qui se passe dans la recherche n’est pas isolé : c’est à  l’image de la dégradation des protections des citoyens contre les puissances de l’argent.


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