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Festival Takavoir (2)

Publié le 10 mai 2010 par Philippe Thomas

Pour le grand prix, le thème imposé de « l’arbre » a fourni un fil conducteur en même temps que le prétexte à toutes sortes de variations. Il y eut donc ceux qui parlent aux arbres, ceux qui les coupent, ceux qui en parlent… et celle qui se transforma en arbre ! Le plus drôle fut incontestablement « On aura eu un bel hiver » , l’histoire d’un énergumène un peu simplet qui parle aux arbres, des têtards croisés en bord de Sèvre. Il y a l’arbre dépressif, avec ses moignons de branches plissées. Un autre semble déployer une trompe d’éléphant entre ses yeux noirs. C’était une vision poétique de la condition arborescente alliée à un discours anthropomorphique du personnage décalé. Un bijou d’astuce et d’humour qui remporta le prix du public et le prix spécial du jury. En fait l’auteur s’est fait filmer un samedi d’hiver par son fiston qui s’est gelé les doigts en braquant son téléphone sur le paternel faisant son numéro. On aimerait tous faire un tel truc avec son fils. Là, le gamin a eu beaucoup de mérite à tenir sans rire son téléphone !

Un film au titre politiquement incorrect, « Mort à l’écologie » , s’amène et, surprise, j’y reconnais deux collègues de travail ! Les deux zigues partent à l’assaut d’une grande trique de 6 mètres insolemment surgie à la commissure de la maison et de la terrasse. Ils partent à l’assaut comme s’il s’agissait d’une croisade de salubrité publique. Avec une scie qui tenait du couteau à pain, le tronc est sadiquement entamé avant qu’une délicate manœuvre de cordages ne poursuive le supplice en abattant le géant sur une haie brutalement éventrée ! Les deux sagouins parachèvent leur crime en inondant la tranche du tronc d’un cocktail mortifère avant de transformer la ramure en bûcher… Ce qui est génial dans leur cas, c’est d’avoir pensé à filmer ce qui n’aurait pu rester au fond qu’un banal travail de bûcheronnage domestique ! Leur sélection dans les films au concours leur a valu une place dans le parterre des VIP et la considération énamourée de leurs nanas épatées de vivre avec de tels phénomènes. La gloire, quoi…

Mon préféré fut incontestablement « Le journal de Mademoiselle M » , prix de la ville de Niort. C’est la brève histoire d’ une métamorphose à la Kafka. Une jeune fille tient son journal en se filmant sur son téléphone portable. Mais Mademoiselle M s’éveille un jour avec de curieuses affections cutanées… En fait, le tendron se couvre d’écorce ! Elle ne répond plus au téléphone, reste de bois en écoutant les messages de son amoureux, ne s’hydrate plus pour ralentir ses montées de sève, de frondaisons, d’écorce. Rien n’y fait. Elle finit par se transformer en arbre et va se planter quelque part sous ses fenêtres. Son amoureux ne peut que constater incrédule les traces de feuillage de sa métamorphose… L’histoire est bien construite et fort habilement filmée, tout en suggestion et sans effets spéciaux. Un petit bonheur.

J’ai bien aimé aussi l’amusant « Zap’chênes » de trois compères venus de leur banlieue de Châtellerault, m’a-t-on dit. Ils sont montés sur scène tels qu’on les voyait dans leur film, une satire des chaînes télévisées. Il y en a même un des trois qui filmait l’évènement, dommage pour lui, il ne sera pas sur les images. Pour le reste, je me souviens de Castormania, une fantaisie un peu brouillonne qui avait l’air tournée un lendemain de fête. D’un Roi du pétrole pas très chanceux avec les filles qu’il tente de draguer avec un téléphone portable comme instrument d’approche. L’idée était bonne mais le résultat est aussi peu emballant que le ballot du film. Il y eut aussi un film bref comme un clip publicitaire et aussitôt oublié. On eut droit encore à une confuse promenade en Hongrie, à un inventaire de jeux de mots jonglant sur les noms de différentes essences (Arbres… et alors ») et à une prétentieuse « Psychopathologie de la vie quotidienne de l’arbre » , où durant de longues minutes un personnage, filmé en plan serré sur le visage, déblatère d’ennuyeuses considérations en tournant autour de sa maison.

J’ai du mal à saisir les critères de sélection du jury, au seul vu des quinze films sélectionnés. De cet ensemble, il résulte l’impression que le genre se cherche, entre narration ou évocation. Il y a l’impression bizarre d’un Grand Prix décerné à une œuvre très aboutie techniquement mais qui me semble quelconque quant à son résultat. Mais l’ambiance était décontractée, le jury ne se prend pas trop au sérieux même s’il aurait dû quand même mieux expliquer ses critères sinon justifier ses choix. Bref, c’est une première édition avec des scories mais aussi plein de promesses sur les potentialités offertes à d’honnêtes amateurs par les ressources du téléphone mobile. Et l’intérêt d’un tel festival, c’est aussi de montrer les films sur grand écran, ce qui les met infiniment mieux en valeur que sur l’écran de l’ordinateur (sans parler des problèmes de chargement via Youtube). Du coup, j’attends la deuxième édition de TAKAVOIR et je vais peut-être même acquérir un téléphone capable de filmer !


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