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L'appartition

Publié le 05 mai 2010 par Yann Frat / Un Infirmier Dans La Ville

Je sonne chez madame Z et j'entends tout à coup derrière moi "bonjour yann !!" alors je me retourne et je vois devant moi un grand ado inconnu qui me sourit.

En fait il m'a fallu presque une minute pour rassembler mes esprit et reconnaitre dans ce grand corps devant moi, les traces familiales du petit garçon que j'avais laissé chez lui il y a 3 ans... juste après la mort de son père que je soignais.

Et il me regarde en souriant, apparemment content de me voir, content de voir que je le reconnais.

Et je le regarde à mon tour, content de le voir, content de voir qu'il se souvient de moi, content de le voir sourire, moins content de le voir fumer (son père est parti d'un cancer de fumeur) mais avec des tas de choses à lui dire ou à lui demander...

Sauf que les mots sont tous resté bloqués dans ma gorge.

Sauf que les mots sont tous restés dans ma gorge d'abord parce que je ne sais pas ce que je lui évoque comme souvenirs (surement pas des bons) et puis je ne sais pas trop comment évoquer cette époque comme ça d'un coup sur un trottoir et puis je ne sais pas par où commencer et puis cette histoire a été tellement dure et puis et puis... Et puis j'ai rien dit ou presque, j'ai juste bredouillé un imbécile "qu'est ce que tu fais là?" alors qu'il habite deux maisons plus loin et il m'a répondu à son tour "j'attends ma mère" alors qu'il savait très bien que je venais de la croiser et qu'elle ne m'avait pas pas vu (ou n'avait pas voulu me voir)... Et puis madame Z a ouvert sa porte alors je suis entré dans la maison comme on fuit un peu vite...
...
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En j'ai vraiment un problème avec cette histoire...
En fait je me suis battu pendant toute la maladie du père pour qu'ils acceptent qu'un psy intervienne pour la famille mais le patient a refusé malgré les demandes de sa femme et puis les médecins n'étaient pas chauds pour ça...

Résultat: quand le patient (plutot jeune ) est mort c'est toute une famille qui a volé en éclat, laissant une femme seule écartelée entre sa peine et celle de ses enfants, des enfants qui je pense n'ont rien vu venir  puisque leur père, deux jours avant sa mort, tenait encore debout et vivait à la maison...

Alors aujourd'hui quand je les croise moi j'aurais envie de leur dire tant de chose sur ce qui se passe, sur ce qui s'est passé sur ce que je garde en moi de cette histoire... Et puis j'aimerais prendre des nouvelles aussi de tous ces gosses que j'ai vu grandir pendant presque 3 ans...

Sauf que voilà: comment les aborder? Que dire et sous quelle forme? Quelle légitimité ai-je a débarquer à nouveau dans leurs vies, à les faire parler de choses qu'il essayent peut être d'oublier?, Comment ne pas être hors sujet et inopportun en somme??...

Du coup j'en suis réduit depuis 3 ans a attendre simplement qu'il aient besoin de moi pour une piqure ou un pansement pour que je puisse les revoir à nouveau et avoir des nouvelles... mais c'est tout.

Et oui je sais, franchement c'est pas terrible...


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