Régine Detambel vole.
Régine Detambel
C'est curieux comme certains livres procurent un sentiment de légèreté, mais aussi de douce tristesse, d'infinie tristesse, à la fin de leur lecture.
Régine Detambel, dans son roman "Sur l'aile" éd. Mercure de France 2010 (143 p, 14€) avance doucement, sans faire de bruit, jusqu'au lecteur.
Ses mots sont chuchotements et battements d'ailes, ses personnages sont des oiseaux qui planent dans nos coeurs.
Raphaël se retrouve veuf à vingt-neuf ans. Il décide de se suicider. Etudie longuement, pendant des années, la confection de cordes, la solidité de celles-ci, leur épaisseur, et l'odeur particulière qui chatouillera ses narines au moment de sa mort. Mais les oiseaux argentés qui se sont nichés sous son toit attirent son attention, alors il se dépend, tout aussi naturellement que s'il avait décidé de retirer un tableau du mur, il se penche, se plonge, dans ce nuage moelleux et duveteux pour naître à la vie. Il a une fille aussi, Lila, recueillie par une famille. Cette fille part retrouver les traces de son père, longtemps plus tard, lorsque celui-ci est déjà vieux, si vieux.
Elle le découvre au milieu de décombres de plumes et de duvet, il roucoule lorsqu'il lui parle, il bat l'air de ses bras lorsqu'il la voit, il a peur d'elle, il a peur de l'amour.
Detambel allonge les mots sans brusquerie, apprivoise le lecteur qui est oiseau, qui se laisse approcher par la paume de l'auteur caressant ses plumes; elle le touche avec délicatesse, toute émotion retenue, pour mieux lui raconter l'histoire d'un veuf qui souffre et renaît au milieu de son pigeonnier. C'est ainsi que Régine Detambel souffle à notre oreille les retrouvailles de ce père un peu fou, fou de douleur, Raphaël, et de sa fille, tremblante, tels les oiseaux par froid d'hiver.
L'écriture aérienne transporte le lecteur au plus profond des êtres, et lui permet de se poser, à la dernière ligne, sur une branche qui balance à la brise du vent.
Panthère.