Afin de compléter notre information concernant un éventuel accroissement des risques de confrontation religieuse, en Russie, entre chrétiens et musulmans, il nous paraît souhaitable de relever certaines informations démographiques.
Selon les Nations-Unies (World Populations Prospects - The 2006 Revision and World Urbanization Prospects, Department of Economic and Social Affairs of the United Nations Secretariat), la Russie doit s’attendre « à une perte de plus de 30 millions d’habitants d’ici 2050, avec une population totale d’environ 107 millions d’habitants […] ». Depuis 1993, la Russie a d’ores et déjà perdu 5,8 millions d’habitants.
Cet effondrement démographique s’accompagnerait, à la même époque, d’une transformation fondamentale du paysage religieux russe: « Sur le plan intérieur, cette situation est d’autant plus préoccupante pour les autorités russes que l’islam pourrait devenir la première religion du pays en 2050, compte tenu des forts taux de natalité des républiques musulmanes de la Fédération de Russie. L’islam est actuellement la seconde religion au sein de la fédération russe, les populations de confession musulmane se concentrant principalement dans le Caucase, entre la mer Noire et la mer Caspienne : Adyguéens, Balkars, Daghestanais, Ingouches, Kabardes, Karatchaïs, Tcherkesses et Tchétchènes, ainsi que ceux résidant dans le bassin de la Volga (Tatars et Bachkirs notamment). Si ce scénario se produit, il est probable qu’il engendrera d’inévitables et fortes tensions entre populations slaves orthodoxes et caucasiennes musulmanes, alors même que le Caucase musulman constitue l’un des talons d’Achille de la puissance russe. » (Diplomatie n°34, pp. 17-18).
Ces informations permettent peut-être d’éclairer sous un autre jour les récentes déclarations de Vladimir Poutine qui a affirmé, le mercredi 30 décembre 2009, que la Russie devrait enregistrer, en 2009, une croissance de sa population pour la première fois depuis 1995.Àquoi la Russie devrait-elle ce regain de vigueur démographique, si toutefois il devait se confirmer, ce qui reste à démontrer? Selon le porte-parole du premier ministre Poutine, Dmitri Peskov, qui précise au passage que le bilan démographique positif de 2009 est surtout symbolique, puisque la croissance est de l’ordre de 20 000 personnes, ladite croissance serait due, certes, à une hausse de la natalité (et compte tenu de ce qui a été dit précédemment, on peut supposer que les populations musulmanes du Caucase y sont pour une bonne part) mais également du fait de la venue de migrants (à ce sujet, il est aussi intéressant de se pencher sur la pression migratoire chinoise qui s’exerce actuellement sur l’Extrême-Orient russe). Une situation que, si je ne m’abuse, l’on connaît dans la plupart des pays d’Europe, même si elle est, du point de vue de l’immigration, certainement moindre en Russie, du moins pour le moment.
Il faut croire que ces apparentes «bonnes nouvelles» démographiques n’ont pas satisfait le leader nationaliste Vladimir Jirinovski qui a proposé plusieurs mesures visant à doper la démographie russe, parmi lesquelles on compte notamment l’instauration d’une prime de 100 000 roubles (environ 2350 euros) à la première naissance et la reconnaissance… de la polygamie: « Si un homme obtient le droit d’épouser une seconde femme qui lui a donné un enfant mais sans résilier son premier mariage et sans quitter sa première femme [ndr: on imagine assez mal l’Église orthodoxe russe octroyer un tel droit…], il faut le laisser être responsable de sa deuxième famille », a ainsi déclaré le député Jirinovski. Des propositions qui, selon le président Dmitri Medvedev, méritent réflexion…
Éric Timmermans
Sources :
- « Armée russe – L’illusion de la puissance», Alexis Bautzmann, Diplomatie n°34, Sep.-Oct. 2008, pp. 17-18
- « Poutine table sur une croissance démographique en Russie », LeMonde.fr, 30 décembre 2009
- « Russie : prime à la naissance et polygamie pour doper les naissances ? », LeMonde.fr, 19 janvier 2010
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