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L'homme et l'ours

Par Samiahurst @samiahurst

L'homme et l'ours

Le philosophe Peter Singer fait partie des plus admirés et des plus décriés dans le grand public. Auteur de Animal liberation, un des livres fondateurs du mouvement actuel des droits des animaux, il s'est rendu célèbre entre autres en comparant la vie intérieure des grands singes et celles des petits enfants ... Son but était de défendre un plus grand respect des singes hominidés en particulier, et des animaux non humains en général. Mais cette comparaison, souvent citée hors contexte, l'a fait critiquer pour avoir, soit-disant, demandé que l'on respecte moins les enfants, ou les humains souffrant d'un handicap cognitif, bref toutes les personnes dont les facultés mentales ne sont pas celles d'un adulte humain en bonne santé. Il ne l'avait en fait pas faite, cette demande. Précisons. Mais vu le tollé que cette supposition avait soulevé, il est ironique de voir cette critique désormais doublée par l'opinion publique. Il semble qu'une partie d'entre nous n'ait désormais aucun problème à considérer la vie d'un ours comme plus précieuse, ou en tout cas plus digne qu'on s'en inquiète par écrit, que celle d'un humain handicapé.
L'histoire est la suivante: voyant qu'un sac en plastique était tombé dans l'enclos d'un ours, un jeune homme handicapé de 25 ans s'aventure dans cet enclos. L'ours l'attaque et le blesse, tant et si bien que l'on doit lui tirer dessus pour sauver l'humain. L'un et l'autre ont survécu, mais cette histoire a fortement ému l'opinion. Et c'est l'ours qui se trouve inondé de cadeaux, pots de miel, cartes de vœux (!) de bon rétablissement. Jusque là cela pourrait à la rigueur être plutôt mignon. Mais on aurait aimé voir au moins autant de souci de l'état de santé du protagoniste humain de l'histoire. Il s'est après tout fait sauvagement attaquer. On ne peut même pas se dire que c'était de sa faute: il n'était visiblement pas capable de se protéger lui-même, et quelqu'un aurait peut-être dû mieux s'en soucier.
Qu'est-ce qui se passe ici ? Avouez qu'à la base, c'est plutôt étrange. Un ours n'est pas seulement une autre espèce, c'est une de celles qui peut se transformer pour nous en prédateur. Si vous croisiez l'animal de l'image sur un chemin de montagne, vous iriez lui souhaiter de joyeuses fêtes ? Bien sûr que non. Vous lui laisseriez bien la place de passer, en espérant qu'il ne vienne pas à être trop 'amical' avec vous. Alors oui, évidemment, c'est aussi un être vivant capable de souffrir, et qui a une vie intérieuse plus complexe que celle d'une abeille. Certes. Mais tout cela s'applique encore davantage dans cette histoire à sa victime.
Sommes-nous vraiment passés dans un modèle où un animal vaut plus, aux yeux de l'opinion, qu'un humain handicapé ? La question est légitime. Et inquiétante. Mais il y a au moins deux lectures alternatives. L'anthropomorphisme, la tendance à attribuer des caractéristiques humaines aux animaux (comme, pour prendre un exemple au hasard, savoir lire les cartes de vœux ?) est forte. Cette histoire montre qu'elle peut être plus forte que notre tendance à attribuer, correctement cette fois, des caractéristiques humaines aux humains 'différents de nous'. A ruminer, cela. L'amour des animaux peut véritablement s'associer à une hostilité envers les humains. Ce qu'un ami a appelé la 'sensiblerie zoophile jointe au mépris des humains en général et des handicapés en particulier'. Cela a déjà donné des dérives. A l'heure où les droits des animaux ont le vent en poupe, ces dérives devraient nous faire réfléchir. Là où des intérêts humains et animaux sont réellement en tension, comme dans la recherche médicale par exemple, nous n'avons pas toujours brillé par notre capacité à réfléchir de manière sensée.
Une autre possibilité: que finalement on attribue tout simplement plus d'importance à l'histoire la plus touchante. Mais alors qu'est-ce qui fait qu'une histoire nous touche plus qu'une autre ? Pas seulement la valeur que l'on attribue aux protagonistes. Une publicité géniale d'Ikea avait montré il y a quelques temps à quel point nos émotions peuvent être conduites par le bout du nez dans un joli récit. Regardez-la de nouveau. Ce petit film est un avertissement...


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LES COMMENTAIRES (2)

Par john
posté le 13 décembre à 01:59
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je crois que l'auteur n'a rien compris au pourquoi de la réaction des gens.

L'ours était sur son territoire. Déjà qu'il n'a pas beaucoup de place, il se voit en plus envahi par un péquenaud. Se sentant agressé il a forcement tenté de défendre le petit bout de terre sur lequel il est. Sortir un "sauvagement attaqué" c'est vraiment ne rien connaitre du monde animal et encore moins du monde qui nous entoure.

Après, le gars qui est allé dans l'enclos pour "enlever un sac plastique", je m'excuse mais handicapé ou pas, il mérite vraiment un bon gros coup de pied au derrière. Là c'est vraiment chercher les ennuis que d'aller titiller un ours dans son enclos.

Par Alfie
posté le 09 décembre à 13:24
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Les droits des animaux n'ont pas DU TOUT le vent en poupe. Rien que le fait que vous en parliez comme d'une mode prouve qu'ils ne sont pas pris au sérieux.

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