Elle errait dans les rues de Moscou à la recherche de nourriture et, peut-être, d’un peu d’affection. Ils la choisirent parce qu’elle était particulièrement calme et docile.
Elle, c’est Laïka : une chienne de deux ans et six kilos, croisée fox-terrier et husky, qui fut le premier être vivant a être mis en orbite autour de la Terre. C’était le 3 novembre 1957, il y a exactement 52 ans. La petite chienne au museau pointu avait subi un entraînement de forçat, impliquant des centrifugations, un apprentissage de la résistance au bruit, aux vibrations et au confinement.
Une véritable vie de chienne, comme celle de ses congénères moins connues qui allaient aussi, souvent, payer de leur vie les rêves d’étoiles des humains.
Laïka fut propulsée dans l’espace intersidéral en grande hâte dans un Spoutnik 2 bricolé tant bien que mal, mais plutôt mal, pour marquer d’un coup de maître dans la conquête spatiale. Cette précipitation fut imposée par Khrouchtchev qui entendait fêter « dignement » le quarantième anniversaire de la Révolution d’Octobre. La chienne fut choisie non seulement pour son caractère en or, mais aussi parce qu’elle était une femelle qui consentirait à faire ses besoins dans un réservoir accroché à son arrière-train sans lever la patte.
Quelques jours avant son départ, Kudryavka – nom originel de Laïka – fut harnachée dans sa cabine, bourrée d’électrodes et accompagnée de quelques portions de nourriture gélifiée et d’eau.
Le jour dit, dans un tonnerre de flammes et de bruit, Spoutnik 2 et sa passagère furent propulsés dans le cosmos pour le plus grand bonheur des autorités russes et au grand dam des américaines. Comme les Soviétiques n’avaient pas eu le temps de mettre au point le retour de Laïka sur Terre, il était prévu de l’empoisonner – ou de la gazer – le septième jour (!) de son vol orbital. La réalité fut tout autre car c’est seulement quelques heures après son premier et dernier départ que Kudryavka mourut de chaud et d’angoisse, un des réacteurs propulsant le satellite ayant refusé de se détacher du lanceur et les ingénieurs ayant oublié de prévoir une protection efficace contre le rayonnement solaire.
Le satellite, devenu le cercueil de la chienne la plus célèbre d’URSS, continua à orbiter autour la Terre pendant 160 jours avant de se désintégrer lors de son retour dans l’atmosphère. Aujourd’hui, il ne reste quelques photos de l’animal, une plaque commémorative et le son des battements de son cœur.
Lors du discours prononcé à l’occasion du 40e anniversaire de la Révolution, Khrouchtchev s’exprima en ces termes : « Il semble que le nom Vanguard (nom du premier satellite américain qui a été le 17 mars 1958) reflétait l’assurance des Américains que leur satellite serait le premier au monde. Mais … ce sont les satellites soviétiques qui se sont révélés être en avance, pour être en l’avant-garde … En orbitant autour de notre Terre, les Spoutnik soviétiques proclament les sommets du développement de la science et de la technologie ainsi que de l’ensemble de l’économie de l’Union soviétique, dont le peuple construit une nouvelle vie sous la bannière du marxisme-léninisme. »
Une mort pour une nouvelle vie …
Notons qu’il s’en est fallu d’un peu plus d’une année pour qu’un discours du même acabit soit prononcé par Eisenhower puisque les Américains envoyèrent des singes dans l’espace dès décembre 1958.
Le chien reste le meilleur ami de l’homme surtout lorsqu’il collabore, bien malgré lui, à son inextinguible désir de conquêtes. Ce n’est pas ma chatte, qui me regarde d’un drôle d’air depuis que je rédige ce billet (probablement la faute à son titre qui est du plus parfait mauvais goût), qui dira le contraire.
- Crédit photographique : © Pravda
Articulet publié dans le webzine combats.ch le 3 novembre 2009