Quelques premières secousses agitent actuellement les éditeurs, et non, il ne s'agit pas du numérique. Encore qu'il serait bon de tordre le cou une fois pour toutes aux journaux qui titrent des morts du livre et du papier en veux-tu en voilà. C'est bon de se faire peur, mais ça ne fait pas avancer grand-chose.
Une petite date, presque anecdotique approche et nous signale que la fin de l'année ne sera plus qu'à 61 jours de là. C'est le 31 octobre. Mais pourquoi lui accorder une importance particulière ? Parce que c'est la date de remise des dossiers pour les éditeurs qui souhaitent être présents sur le Salon du livre de Paris. Après cette échéance, difficile d'intégrer la grande librairie...
2009 agité... 2010 tourmenté ?
Or, digne successeure de l'édition 2009, marquée par l'invitation d'Israël et les débats qui s'en suivirent, cette édition 2010 promet de faire des vagues. Et puisqu'elle a été recentrée, selon la volonté du Syndicat national de l'édition, sur l'édition et les éditeurs français, et n'accueillera donc pas d'invité d'honneur. Oui, mais... Qu'en est-il de ces éditeurs ?
Dernièrement, Hachette a fait savoir que les maisons de son groupe ne prendraient pas part au Salon, à l'exception de Pika - qui devrait nous donner plus d'informations sous peu - et de Hachette Livre International (manga et scolaire, donc). Contacté par ActuaLitté, l'éditeur nous explique que depuis trois ans maintenant, le Salon est remis en question. On parle même de « désenchantement » et « d'usure ». Avec la multiplication d'autres événements et manifestations, le coût pour un éditeur devient important et il faut alors choisir vers lequel s'orienter.
En somme, le salon de Paris « ne correspondait plus aux attentes » depuis quelque temps déjà. Et plusieurs propositions avaient été formulées, comme la biennalité de l'événement. Mais aujourd'hui, Hachette nous annonce que l'économie réalisée avec l'absence des maisons de son groupe est de plusieurs centaines de milliers d'euros. On trouvera tout de même un stand corporate Hachette, que l'on se rassure, mais les éditeurs qui sont rattachés à cette maison ne viendront donc pas.
Les indépendants avaient un train d'avance
Comment passer sous silence ce que l'association L'Autre livre dénonçait dans nos colonnes ? L'augmentation des tarifs pratiqués par Reed Expo, l'organisateur avait fait doubler les prix pour les éditeurs indépendants, rendant la manifestation financièrement difficile d'accès. On parlait de « censure économique », pour qualifier cette offre, et bien que Reed se soit expliqué sur le sujet, en finalement ne dévoilant qu'une nouvelle liste de tarifs, les indépendants ont réagi. Ils avaient pour ce faire envoyé une lettre à Serge Eyrolles ainsi qu'à Frédéric Mitterrand. « Nous souhaiterions connaître votre position sur cette augmentation et savoir qui en est l'initiateur », demandait-on au président du SNE.
Même chez Editis...
En marge d'une soirée organisée par Verticales, un éditeur nous avait précisé que le malaise ne se cantonnait pas aux indépendants. « De toute manière, il existe un réel clivage entre les éditeurs qui souhaitent participer et ceux qui y vont presque contraints et forcés. Aujourd'hui, même chez Editis, certains ne veulent plus s'y rendre, alors l'édition indépendante... » Nous avons depuis contacté Editis pour obtenir de plus amples renseignements sur leur position, et tenté d'obtenir des informations de la part des maisons du groupe.
Quid d'une édition centrée vers la France ?
Ce que le public ne sait pas, c'est qu'une partie des revenus du SNE découle directement de ce Salon. « Il est peut-être temps d'accélérer le départ vers le Grand Palais », nous expliquait une éditrice hier soir, à l'occasion d'une soirée organisée par la maison Libella. On ne plaisante pas trop avec ce sujet : le départ était prévu pour 2013, mais l'avancer... D'autant que cela pourrait n'être qu'une rumeur, voir simplement quelque chose de peu sérieusement envisagé. « Le manque à gagner avec ce genre de désistement est très important. Il ne faudrait pas que cela se généralise sinon les finances du SNE vont s'en ressentir. »
Or la grande interrogation de ce Salon franco-français va devenir : si les éditeurs se défilent les uns après les autres, qu'en est-il de cette édition 2010 qui voulait mettre le paysage éditorial hexagonal à l'honneur ? « C'est une question que l'on se pose tous : à quoi le salon de Paris ressemblera cette année ? » D'autant que dans les jours qui viennent, d'autres maisons pourraient annoncer qu'elles ne prendront pas part à la manifestation. Il reste en effet jusqu'au 31 octobre pour prendre une décision et remettre son dossier. Où est donc ce glorieux avenir promis par Serge Eyrolles récemment ?
Le lendemain, c'est la Toussaint. Les Saints Jean Bosco et Jean Porte-Latin devraient recevoir leur part de libations et de prières, en qualité de patrons des éditeurs et des imprimeurs. Et peut-être l'occasion se présentera-t-elle de créer le saint patron de l'édition numérique ? Sait-on jamais, mieux vaut multiplier les chances...
En ouvrant une brèche, Hachette vient de frapper fort. Si le mouvement est suivi, l'avenir du Salon serait clairement compromis. Pour les trente ans du Salon, c'est une belle claque tout de même. Mais peut-être l'occasion aussi de vraiment repenser le Salon.