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Au zénith de Duong Thu Huong

Par Sylvie

VIETMAN, 2008
Au Zénith
Editions Sabine Wespieser
Mon coup de coeur des vacances : une fresque historique et intime sur le personnage d'Ho Chi Minh, grande figure communiste de la libération du Vietnam, tout ça raconté par Duong Thu Huong, auteur d'Au delà des illusions et de Terres des oublis, emprisonnée puis en résidence surveillée pendant 15 ans pour avoir critiqué le régime vietnamien. Depuis 2006, elle vit en France.

L'auteur mêle Histoire, fiction et intimité pour dresser le portrait d'une grande figure historique qui incarna selon elle l'idéal communiste avant que ses sbires, aveuglés par le pouvoir,  ne déforme l'idéal premier.
Elle met donc en scène la tragédie du pouvoir chez une légende vieillissante : le grand libérateur est relégué dans une propriété sur une montagne près d'un temple bouddhiste ; alors que la guerre du Vietmam est déclarée (guerre qu'il avait refusée), il médite sur son passé, sur les erreurs qu'il a commises dans la conduite de sa vie privée ; en effet, Duong Thu Huong revient sur un fait méconnu de la vie d'Ho Chi Minh, à savoir le viol et l'assassinat de sa compagne dont il a eu des enfants, sur décision du bureau politique du parti ; car pour l'appareil du parti, nul événement privé de doit entacher la figure divine du père du peuple....
Sacrifice de le vie privée, manigances et luttes intestines au sein du parti, bilan d'une vie : le dirigeant fantoche, malade s'exprime dans de longs monologues, du haut de sa montagne-prison, bien gardé par les gardes et les médecins de tous genres. Monologue tragique d'un homme qui n'a pas compris que le pouvoir était un cadeau empoisonné, qui voit le communisme devenir un appareil d'Etat et une machine à s'enrichir.
Le lecteur est pris entre admiration, pitié et rejet du personnage (sa lâcheté pour s'être soumis si facilement au bureau politique, ses regrets appuyés....).
La parole lamento de la grande figure historique s'insère dans une vaste roman choral : plusieurs personnages prennent la parole à tour de rôle : le meilleur ami Vu (inspiré d'un personnage réel) qui a recueilli les enfants du maître, le personnage idéaliste et loyal par excellence, le frère de la compagne sacrifiée, ivre de vengeance et au milieu du livre, le "contrepoint romanesque", le contre-exemple de la vie d'Ho Chi Minh, la vie d'un bûcheron qui, à la fin de sa vie, est parvenu à imposer sa jeune épouse au sein de sa famille. 
Au sein de ce choeur, Duong Thu Huong affirme une fois de plus ses talents en passant du style poétique au ton parfois burlesque. Alors que le soliloque d'Ho Chi Minh est très lyrique, rythmé par la description des magnifiques paysages de rizières et de temples bouddhistes dans la brume, le récit de la vie du bûcheron fait davantage penser à une pièce de théâtre ; en effet, chaque action des personnages est commentée par les membres du village ; répliques salaces entre hommes et femmes, échanges de proverbes et dictons. La référence au spectacle ambulant est explicite. 
Une fresque d'un intérêt historique majeur, un plaidoyer contre toutes indéologies . Duong Thu Huong s'intéresse tout particulièrement à la culture sacrifiée du pays (interdiction des mariages et funérailles traditionnelles, fermeture des monastères...) et à la vie privée des individus ; il en était de même dans le roman Terre des oublis, où une femme, sous la pression d'un village, était obligée de retourner vivre avec son mari déclaré mort depuis des années.
Quelques longueurs parfois, notamment dans le monologue d'Ho Chi Minh ; il reste qu'il s'agit d'un très bon livre, original, poignant, poétique et d'un intérêt historique majeur.


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