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Jeux de pouvoir et casse-tête pour scénaristes…

Publié le 29 juin 2009 par Boustoune


Jeux de pouvoir
est l’adaptation hollywoodienne de la série télévisée britannique éponyme (« State of play », en VO), réalisée en 2003 par David Yates.  L’intrigue a été transposée de Londres à Washington, mais repose sur les mêmes ressorts dramatiques :
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L’assistante de Stephen Collins, un politicien très en vue, meurt sous les rails d’un métro. Les circonstances de sa mort restent mystérieuses, mais les journalistes s’en moquent. Ce qui les intéresse, c’est plutôt le scandale qui accompagne la révélation de la liaison extraconjugale que le député entretenait avec la jeune femme. Au Washington Globe, la journaliste débutante Della Frye est chargée d’écrire un papier sur l’affaire. Elle rentre en contact avec son collègue Cal McAffrey, reporter chevronné et ami de longue date de Collins. Lui travaille sur un double meurtre, également mystérieux. Ensemble, ils vont trouver un lien entre les deux affaires, mettant à jour un possible complot destiné à écarter le député de l’échiquier politique, au moment où pourraient se signer de juteux contrats entre les autorités gouvernementales et une importante société privée spécialisée dans la sécurité intérieure, avec, à la clé, d’importants dessous de table pour certains politiciens corrompus…
L’idée d’axer la problématique sur la sécurité intérieure de l’Amérique post 11/09/2001 plutôt que sur la corruption des groupes pétroliers est le seul véritable changement opéré par rapport à l’œuvre originale. Pour le reste, tout est à l’identique…
… mais en condensé. La série durait 6x52 minutes, le film doit se contenter d’un peu plus de deux heures. Forcément, cela suppose pas mal de coupes franches dans le matériau de base. On perd hélas beaucoup de ce qui faisait le charme de l’œuvre télévisée. David Yates avait pris le temps de décrire tous les personnages et les liens complexes qui les unissent les uns aux autres, de restituer l’effervescence de la rédaction d’un grand quotidien et les accélérations de l’enquête menée. Il avait aussi patiemment mis en place son intrigue, en ménageant ses rebondissements et en gardant le suspense intact jusqu’à la fin.
Ici, beaucoup de personnages sont sacrifiés, et réduits à jouer les utilités. Tout est beaucoup plus rapide, trop rapide même. Paradoxalement, le rythme pâtit de la condensation et de l’accélération de l’intrigue. Privée des méandres narratifs offerts par les intrigues secondaires dans la série, l’enquête évolue de manière un peu trop linéaire. Du coup, même le spectateur qui n’a pas vu la série devrait assez facilement anticiper chacun des rebondissements du film. Résultat, on s’ennuie un peu par moments… Plutôt gênant pour un film dont les moteurs sont le suspense et le rythme…
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Alors, ratée, cette version cinéma de « State of play » ? Eh bien, non, pas totalement ! Car heureusement, la production a mis tous les atouts de son côté pour garantir une transposition la plus soignée et la plus fidèle possible.
Déjà, pour adapter une série anglaise, elle a logiquement choisi de faire appel à un cinéaste britannique, et pas le plus mauvais puisqu’il s’agit de Kevin MacDonald. La mise en scène du réalisateur du Dernier roi d’Ecosse s’avère d’une redoutable efficacité, chaque plan étant d’une concision et d’une pertinence absolue.
Ensuite, elle a confié le travail de réécriture de l’intrigue à des scénaristes chevronnés : Matthew Carnahan (Lions et agneaux, Le royaume,…), Bill Ray (Flight plan, Agent double,…) et surtout Tony Gilroy (Duplicity, Michael Clayton, la trilogie Jason Bourne…). Le trio a certes beaucoup retaillé le matériau original, mais a su en garder la cohérence et l’ambiguïté.
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Enfin, elle s’est offert un casting intelligent. On pourra certes préférer les excellents acteurs britanniques de la série, ou fantasmer sur ce qu’aurait donné le duo de Fight Club, Edward Norton et Brad Pitt, initialement envisagé par les producteurs, mais force est de constater que les acteurs s’en sortent honorablement. Russell Crowe est plutôt convaincant dans son rôle de journaliste brillant, accrocheur, mais tiraillé entre son devoir d’objectivité professionnelle et l’amitié qu’il porte au principal sujet de son article. Il est en tout cas bien meilleur ici que dans certains de ses rôles précédents. Ben Affleck est certes peu expressif, mais cela ne nuit pas vraiment à son personnage. Ils sont secondés par des actrices de tout premier plan, Helen Mirren et Robin Wright-Penn, qui assurent le travail avec le talent qu’on leur connaît, même si leurs personnages ont été quelque peu sacrifiés pour permettre à l’intrigue de se concentrer sur l’essentiel et de tenir dans un film de deux heures. En revanche, le talent et le joli minois de Rachel McAdams sont parfaitement exploités, ce qui devrait permettre à la jeune actrice de franchir encore une étape dans sa carrière.
On a donc connu des adaptations d’œuvres télévisuelles bien moins réussies et bien moins respectueuses du matériau original que ces Jeux de pouvoir. Néanmoins, le film ne manquera pas de frustrer les fans de la mini-série de David Yates et de laisser sur leur faim les spectateurs les plus exigeants, qui auront l’impression d’être passé de peu à côté d’une œuvre passionnante… Dommage, mais c’était « mission impossible » que de restituer en un temps si bref toute la densité de l’œuvre de départ…
Note : ÉtoileÉtoileÉtoileÉtoile


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