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1er juin 19../Ignazio Silone, Fontamara

Par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours



FONTAMARA

   Écrit à Davos en 1930 et publié la même année, le roman Fontamara — première œuvre littéraire d'Ignazio Silone — est qualifié par Luigi Russo de « poème épico-dramatique de la plèbe méridionale. » C'est la première fois en effet que la plèbe méridionale — celle des « cafoni » du mezzogiorno — assume le rôle de protagoniste dans un roman et se dote d'un visage. Ignazio Silone déclare dans la préface de Fontamara : « Le terme de cafone est, dans mon pays, aujourd'hui, tant à la campagne qu'à la ville, un terme d'offense et de mépris ; mais je l'emploie dans ce livre avec la certitude que, lorsque la douleur ne sera plus une honte dans mon pays, il deviendra un terme de respect, voire un terme honorifique. »

   De son vrai nom Secondo Tranquilli, Ignazio Silone est né à Pescina dei Marsi, dans la province de l'Aquila (Abruzzes), le 1er mai 1900. Il perd ses parents à l'âge de quatorze ans, à la suite du tremblement de terre survenu à Marsica.


CAPITOLO PRIMO


   Il primo di giugno dell'anno scorso Fontamara rimase per la prima volta senza illuminazione elettrica. Il due di giugno, il tre di giugno, il quattro di giugno, Fontamara continuò a rimanere senza illuminazione elettrica. Così nei giorni seguenti e nei mesi seguenti, finché Fontamara si riabituò al regime del chiaro di luna. Per arrivare dal chiaro di luna alla luce elettrica, Fontamara aveva messo un centinaio di anni, attraverso l'olio di oliva e il petrolio. Per tornare dalla luce elettrica al chiaro di luna bastò una sera.
   I giovani non conoscono la storia, ma noi vecchi la conosciamo. Tutte le novità portateci dai Piemontesi in settant'anni si riducono insomma a due: la luce e le sigarette. La luce elettrica se la sono ripresa. Le sigarette? Si possa soffocare chi le ha fumate una sola volta. A noi è sempre bastata la pipa.
   La luce elettrica era diventata a Fontamara anch'essa una cosa naturale, come il chiaro di luna. Nel senso che nessuno la pagava. Nessuno la pagava da molti mesi. E con che cosa avremmo dovuto pagarla? Negli ultimi tempi il cursore comunale neppure era piú venuto a distribuire la solita fattura mensile col segno degli arretrati, il solito pezzo di carta di cui noi ci servivamo per gli usi domestici. L'ultima volta che il cursore era venuto, per poco non vi aveva lasciato la pelle. Per poco una schioppettata non l'aveva disteso secco all'uscita del paese. Egli era assai prudente. Veniva a Fontamara quando gli uomini erano al lavoro e nelle case non trovava che donne e creature. Ma la prudenza non è mai troppa. Egli era molto affabile. Distribuiva le sue carte con una risatella cretina, pietosa. Diceva: « Prendete, per carità, non ve l'abbiate a male, un pezzo di carta in famiglia può sempre servire. »
   Però l'affabilità non è mai troppa. Alcuni giorni dopo un carrettiere gli fece capire, non a Fontamara (a Fontamara egli non metteva piú piede), ma giú nel capoluogo, che la schioppettata probabilmente non era stata diretta contro di lui, contro la sua persona, contro la persona di Innocenzo La Legge, ma piuttosto contro la tassa. Però se la schioppettata avesse colto in segno, non avrebbe ucciso la tassa, ma lui; perciò non venne piú, e nessuno lo rimpianse. Né a lui balenò mai l'idea di proporre al comune un'azione giudiziaria contro i Fontamaresi.
   « Se si potessero sequestrare e vendere i pidocchi », aveva suggerito una volta, « senza dubbio un'azione di giustizia darebbe importanti risultati. Ma anche se fosse lecito sequestrarli, poi, chi li ricomprerebbe ? »
   La luce doveva essere tagliata al primo gennaio. Poi al primo marzo. Poi al primo maggio. Poi si disse : « Non sarà piú tolta. Sembra che la regina sia contraria. Vedrete che non sarà piú tolta. » E al primo giugno fu tagliata.
   Le donne e i bambini che erano in casa furono gli ultimi ad accorgersene. Ma noi che tornavamo dal lavoro - quelli che erano stati al mulino e tornavano per la strada rotabile, quelli che erano stati alla contrada del cimitero e tornavano giú dalla montagna, quelli che erano stati alla cava di sabbia e tornavano costeggiando il fosso, quelli che erano stati a giornata e tornavano un po' da tutte le parti - a mano a mano che si faceva scuro e vedevamo le luci dei paesi vicini accendersi e Fontamara sbiadirsi, velarsi, annebbiarsi, confondersi con le rocce, con le fratte, con i mucchi di letame, capimmo subito di che si trattava. (Fu e non fu una sorpresa).
   Per i ragazzi fu anzi motivo di baldoria. Da noi i ragazzi non hanno spesso motivo di baldoria e quando càpitano, povere creature, ne approfittano. Cosí quando arriva una motocicletta, quando due asini si accoppiano, quando si incendia un camino.
   Arrivati al paese trovammo in mezzo alla via il generale Baldissera che gridava e imprecava. […]

Ignazio Silone, Fontamara, Oscar Mondadori, Biblioteca Gli Oscar, 1973, pp. 33-34-35.



CHAPITRE UN


   Le premier juin de l'année passée, Fontamara, pour la première fois, resta sans lumière électrique. Le 2 juin, le 3 juin, le 4 juin, Fontamara continua à rester sans lumière électrique. Il en fut de même les jours suivants, les mois suivants ; tant et si bien que Fontamara se réhabitua au régime du clair de lune. Pour passer du clair de lune à la lumière électrique, Fontamara avait mis une centaine d'années. Pour revenir de la lumière électrique au clair de lune, un soir fut suffisant.
   Les jeunes ne connaissaient pas l'histoire, mais nous, les vieux, nous la connaissons. Toutes les nouveautés que les Piémontais nous ont apportées en soixante-dix ans se ramènent, en définitive à deux : la lumière électrique et les cigarettes. La lumière électrique, ils nous l'ont reprise. Les cigarettes ? Puissent-elles étouffer ceux qui les fument : pour nous, la pipe a toujours suffi.
   La lumière électrique, à Fontamara, était devenue elle aussi un fait naturel, comme le clair de lune, en ce sens que personne ne la payait. Personne ne la payait depuis des mois. Et avec quoi l'aurions-nous payée ? Les derniers temps, le facteur rural n'était même plus venu distribuer l'habituelle note mensuelle portant mention des arriérés, l'habituel morceau de papier dont nous nous servions à des fins domestiques. La dernière fois que le facteur était venu, peu s'en fallut qu'il n'y laissât la peau. Un coup de fusil, en effet, manqua le laisser raide mort à la sortie du pays.
   Il était la prudence même. Il venait à Fontamara quand les hommes étaient aux champs et, dans les maisons, ne trouvait que les femmes et les enfants. Mais l'on n'est jamais trop prudent. Il était l'amabilité même. Il distribuait ses petits papiers avec un rire niais et compatissant. Il disait :
   — Prenez, je vous en prie, et sans rancune, un morceau de papier, ça peut toujours servir dans une maison.
   Mais l'on n'est jamais trop aimable. Quelques jours plus tard, un charretier lui fit comprendre, non point à Fontamara même (il n'y mettait plus les pieds, à Fontamara) mais au chef-lieu de la vallée, que le coup de fusil n'était probablement pas dirigé contre lui, contre sa personne, la personne d'Innocenzo La Loi, mais bien plutôt contre la taxe. Cependant, si la balle avait frappé dans le mille ce n'est pas la taxe qu'elle aurait tuée mais le facteur ; il cessa donc de venir à Fontamara et personne ne s'en plaignit. Et il ne lui vint point à l'esprit de traduire en justice les gens de Fontamara.
   Si l'on pouvait saisir et vendre les poux, avait-il dit un jour, une action en justice donnerait à coup sûr de bons résultats. Mais en admettant même qu'il soit licite de les mettre sous séquestre, qui donc, ensuite, serait disposé à les acheter?
   La lumière devait être coupée le 1er janvier. Puis le 1er mars, puis le 1er mai. Puis on s'est dit : « On ne la coupera plus. Il paraît que la Reine est contre. Vous verrez qu'on ne la coupera plus. » Et le 1er juin elle fut coupée.
   Les femmes et les enfants restés au foyer furent les derniers à s'en apercevoir. Mais nous qui revenions du travail - qui rentrait du moulin par la grand-route, qui redescendait des champs environnant le cimetière, qui s'en revenait de la carrière de sable en longeant le fossé, qui surgissait un peu n'importe où après avoir fini sa journée — au fur et à mesure que l'obscurité tombait, que nous voyions s'éclairer les villages voisins et Fontamara s'effacer, s'embuer, se confondre avec les roches, les buissons, les tas de fumier, nous comprîmes tout de suite de quoi il s'agissait. Bref, nous fûmes surpris sans l'être.
   Les gamins virent là une occasion de s'amuser. Chez nous, les gamins n'ont pas beaucoup d'occasions de se divertir et lorsqu'il s'en présente une, les pauvrets, ils en profitent. Ainsi quand passe une motocyclette ou un couple d'ânes, quand survient un feu de cheminée.
   Arrivés au pays, nous trouvâmes au beau milieu de la rue le général Baldissera qui criait et lançait des imprécations. [...]

Ignazio Silone, Fontamara, Les Cahiers Rouges, Éditions Grasset, 1967, pp. 37-38-39-40. Traduction de Jean-Paul Samson et Michèle Causse.Préface de Maurice Nadeau.


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