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Texte d'Umar TIMOL (Ile Maurice).

Par Ananda

Je suis la femme amère, je suis une outre emplie de pus et d’amertume.

Est-ce que vous croyez que je ne sais pas ce que vous pensez de moi ?

Que je ne suis qu’une petite femme sans importance aucune, sans conséquence mais gentille.

Ah oui, on l’aime bien, elle est sympathique, elle parle peu il est vrai mais toujours très polie, d’une grande politesse. On l’aime bien et je ne suis rien de plus qu’un animal de compagnie, un pathétique petit animal qu’on trouve adorable mais dont on se fout royalement.

Il est de temps de comprendre que je ne suis rien de tout ça, je ne peux me contenter d’être cette caricature, je suis autre, une intellectuelle, une femme à la sensibilité vertigineuse, une femme dont le corps est abasourdi par les sens, je suis lucide et cruelle, je vois en vous, à travers vous, je sais toutes vos mesquineries, toutes vos faiblesses, toutes les lâchetés, vous me croyez silencieuse parce que je n’ai rien à dire mais sachez que j’ai choisi le silence parce que je ne veux pas me frelater dans votre merde, vous croyez que je vous aime mais je vous méprise, je vous déteste, je ne veux, je ne veux pas que vos regards glissent sur moi, je ne veux pas être un dérisoire, celui qu’on ne voit pas, celui qu’on traite avec condescendance, je ne veux être rien de tout ça, regardez-moi, regardez-moi avec attention et vous verrez tout ce qui pulse sous la surface, tout ce qui est à l’état latent, qui attend de surgir, regardez-moi tout droit dans les yeux et dites-moi que j’existe, dites-moi que j’existe et que vous avec peur de moi.

J’ai envie de vous entendre dire que vous avez peur de moi.

Je suis louve parfois et je me mets à hurler dans mes cauchemars. Et je récuse désormais tous les compromis, cesse donc de fourguer en moi tes malheurs d’adolescent attardé, je ne veux plus t’écouter, je ne veux pas te comprendre. Cesse donc de venir chez moi parce que tu crois que je suis dépositaire de la sagesse, parce que je suis une personne si formidable, je ne veux plus de cette admiration mielleuse. Je veux me libérer de toutes mes attaches, je veux m’emplir de la force de ma haine ainsi saturer toutes mes crevasses et éclater toutes mes révoltes. 

Sais-tu la chair maladive et purulente, sais tu la chair enflée, sais-tu la chair engorgée de trop de maladies ? Le sais-tu ? Je suis ainsi, outre qui attend de se déchirer, de se répandre sur la glaise de vos consciences faussement tranquilles.  

Je suis ainsi.

Et vous allez enfin me voir, oui, moi, la femme amère, l’outre emplie de pus et d’amertume, vous me verrez et sans doute vous gueulerez de peur mais vous ne vous en irez pas, certainement pas car vous apprendrez que je suis pas une ombre, une inutile, vous comprendrez que j’ai le pouvoir de me figer dans vos yeux et de vous forcer à me voir. Et vous me verrez, croyez-moi, vous ne cesserez de me voir, ce sera de la peur peut-être mais je m’en fous ou parfois même de l’admiration mais je m’en fous aussi mais vous me verrez, vous m’écouterez, vous saurez ce que je suis.

Je ne suis pas cette femme murée dans un trou, je ne suis cette femme qui ne sert à rien, je ne suis pas cette femme gentille qui est à l’écoute des autres, je veux me libérer de la prison de vos rêves.

Je veux être au monde, dans ma démesure, dans ma plénitude. Je veux être au monde pour exercer mon plein pouvoir de domination, de contrôle, je veux être au monde pour le changer, pour le transformer. Je veux être une présence au monde. Je veux que tu plonges tes mains, encore endoloris par la foi, dans l’amertume putride, je veux que tu y plonges tes mains pour la transmuer en force, que tu la sculptes, que tu la cisèles pour en faire une œuvre destinée à la volonté, à la puissance. Je veux me défaire de tous mes alibis, je veux me défaire du mensonge, du retour perpétuel à la fange, je veux m’en défaire pour m’éveiller à la vie, à sa force, à ses ravages, je veux conspuer mes stratagèmes de la défaite, je veux me forger dans l’incandescence d’un désir survolté qui renverse les obstacles, les frontières, les limites, je veux me lover dans la puissance pour mieux la soudoyer, pour m’élever plus loin dans les abîmes.

M’accompagneras-tu, mon ange, sur les sentiers de ma réincarnation ? Seras-tu mon vassal, mon ami, mon compagnon ? Et m’inciseras-tu donc pour révéler en plein jour, en plein soleil tout ce qui prolifère en moi ? Le feras-tu ?

Ou est-ce que tu me ramèneras à ma vie médiocre ?

A mon mari. A ma routine.

M’aimes-tu, m’aimeras tu assez pour me libérer, pour me réinventer  ?

 

M’aimes tu un peu seulement ?

 

Umar TIMOL

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