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L’imposture Bégaudeau

Publié le 01 avril 2009 par Caroline

Dans le numéro 100 du Matricule des Anges , des écrivains avaient été invités à répondre à la question : Quelle critique littéraire attendez-vous ? François Bégaudeau n’y avait pas été invité mais j’imagine qu’il aurait pu dire “Tout sauf celle qui m’est servie dans Les Inrockuptibles n°696.” Et pourtant, ça fait du bien… Ça m’a fait du bien. Sous le titre Vers l’imposture, Nelly Kaprièlian y descend en flèche le nouvel opus de Monsieur Bégaudeau, Vers la douceur.

Aujourd’hui, François Bégaudeau y va carrément, sans en passer par le concept du foot comme dans Jouer juste, pour montrer comment les trentenaires – sa génération – vivent leur rapport à l’autre, sexuel, amoureux. Ça, difficile de ne pas le comprendre, tant le “projet” semble annoncé à coups de panneaux clignotants à tous les coins de page. Mais le vrai problème, c’est que quand Bégaudeau se lâche, quand Bégaudeau y va donc carrément, ça donne au mieux du Houellebecq sans projet, sans vision existentielle, sans ambition ni puissance littéraire, sans libertés prises contre les autres et, pire que tout, sans humour.
Quand Bégaudeau met en scène (à coups de dialogues interminables, à croire qu’il écrit dorénavant directement pour le cinéma) un groupe de jeunes hommes et de jeunes femmes qui se croisent, se touchent à peine et se ratent sur fond de bières au café, de rendez-vous ternes et de stations de métro (aucun numéro de ligne de métro ne nous sera épargné – ça, inutile de vous dire que c’est pour faire “réel”), c’est laborieux, plat, mort. C’est que l’auteur a eu l’idée géniale de faire correspondre le fond et la forme.
Vous avez dit scolaire ? Pourtant, on aurait tort de croire que l’auteur écrit plat, médiocre, ou tout simplement terriblement mal, pour mieux restituer la platitude de ses contemporains : il n’écrit que sa propre langue, et ne restitue donc ici que sa propre médiocrité.
Un exemple au hasard : “Elle, elle en avait plus que pour le petit, le truc fusionnel tu vois, et lui ça le dégoûtait cette chatte qu’avait été écartelée, quelle connerie aussi d’assister à l’accouchement, pour le prochain on m’y reprendra pas j’te promets. Et puis c’est revenu, c’était revenu, c’était revenu dix fois plus qu’avant, maintenant elle en redemandait tout le temps, il pouvait à peine fournir, si ça se trouve un jour elle irait voir ailleurs pour se refroidir le cul (…)” Sans compter de vraies trouvailles métaphoriques : “Sortir avec un dépressif quelle marmelade d’oranges en effet” ; ou encore des réflexions d’une profondeur abyssale : “La porte a de nouveau affiché les lettres de Delpech, comme Michel, sauf que le brun frêle et chétif ne s’appelait pas Michel, ou alors ce serait la fausse bonne idée de parents fantaisistes, quoique sa quarantaine passée situait la naissance du résident avant l’avènement du chanteur de charme (…)”
Car c’est souvent à croire que Bégaudeau essaie de faire du remplissage en écrivant à peu près tout et n’importe quoi, histoire d’atteindre la page 200 et de pouvoir appeler ça un “livre”. Entre-temps, on finira par en avoir par-dessus la tête de ces problèmes de puceaux, de ces types de 35 ans qui rêvent de se taper une fille de 40, mais à condition qu’elle porte une culotte-gaine – sans voir que leur supposée jeunesse commence à être un peu trop loin derrière eux pour excuser leur connerie, sans parler de leur misogynie. Car c’est aussi cela qui commence à devenir limite chez Bégaudeau, ce côté bière-foot-cul, ce côté mec pour qui les filles ne se divisent qu’en deux camps : celles qui ont des seins et celles qui n’en ont pas, celles qui ont un gros cul et les autres… Ce côté terriblement beauf qui transparaît à travers son livre et ses interviews malgré ses efforts constants pour le camoufler derrière les poses de l’intello de gauche émancipé.
Car avec lui, livres et interviews se rejoignent comme un même exercice. Dans un entretien à Frédéric Beigbeder (GQ), il déclarait : “Est-ce que tu ne perds pas ton temps à draguer une fille pendant douze heures pour finalement avoir une vague fellation de 33 secondes ?” Ou de l’ultralibéralisme et de la rentabilité appliqués au sexe. Et pourtant, François Bégaudeau se croit toujours de gauche. Il nous a même soûlés avec un texte sur Florence Aubenas (Fin de l’histoire) pour nous dire qu’il était féministe.
Il clame aussi partout qu’il a été punk (mais dans les années 90, ce qui est un moindre mal). Il se dit démocrate (hyper rebelle dans une démocratie). Il aime la littérature mais note dans une de ses chroniques que Thomas Bernhard fait quand même beaucoup de répétitions. Il se croit écrivain, mais ne prend même plus la peine d’écrire, trop pressé de passer à la télé faire de la pub pour la PME Bégaudeau. A force d’avoir la grosse tête, il arrive qu’on se prenne les pieds dans ses propres postures et qu’on se montre tel que l’on est vraiment. Vers la douceur ? Non, vers l’imposture.
Nelly Kaprièlian

On reste sans voix après un tel article, sans voix de satisfaction. Un misogyne s’en prend plein la gueule, merci. Saine colère Nelly Kaprièlian !

Posted in Énervements, Livres

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