Le pigeon de Patrick Süskind est un
OVNI littéraire. Un homme sans histoire, accroché à son quotidien rassurant, bascule le jour où il découvre, sur son pallier... un pigeon! Tout son monde s'écroule car le pauvre homme, allez
savoir pourquoi, craint cette "bête atroce".
Je me permettrai de citer un passage pour vous confirmer le bizarre de cette novella (plus que roman):
Il était posé devant sa porte, à moins de vingt centimètres du seuil, dans la lumière blafarde du petit matin qui filtrait par la fenêtre. Il avait ses pattes rouges et crochues plantées sur
le carrelage sang de boeuf du couloir, et son plumage lisse était d'un gris de plomb: le pigeon.
Paranoïa d'un homme solitaire, angoisse insensée suite à un élément déclencheur grotesque, cette fable poussée à l'extrême pourrait être celle de chacun de nous qui avons une peur intérieure. Qui
ne s'est jamais projeté dans un futur hypothétique? Qui, suite à un évènement, n'a jamais bâti de scénario improbables en espérant toucher en pensée l'avenir réel?
Ce livre est très court, mais pas forcément très fluide à lire pour la simple et bonne raison que Süskind est un styliste et que ses descriptions sont au service de l'atmosphère qu'il veut donner
au livre. Le pigeon est simplement l'élément qui fait basculer une vie, mais son rôle s'arrête là! Au contraire, les délires mentaux de Jonathan Noël sont précis car ce sont eux qui l'entraînent
jusqu'à un point ultime (vers la fin du livre) où il prononce une phrase avant de se coucher. On notera d'ailleurs le fait que c'est une des seules paroles du livre et il se la dit à
lui-même.
En langage moderne, outre le fait qu'il n'ait pas la tête du héros idéal (est-ce la marque de fabrique de Süskind?), on dirait de ce protagoniste qu'il "se fait des films"!