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désintox sur le discours de Nicolas Sarkozy sur la recherche
Publié le 04 février 2009 par Torapamavoa Torapamavoa Nicolas @torapamavoaVu sur:
SYLVAIN HUET Blog sciences2 LIBERATION
ue (Recherche et Université)
Opération désintox sur le discours de Nicolas Sarkozy sur la recherche
4 févr.
2009
Sarkozy Une équipe de scientifiques marseillais vient de présenter sur You tube une version humoristique, amendée et raccourcie (5 minutes) du discours de Nicolas Sarkozy sur la recherche, tenu le 22 janvier dernier.
A l'aide de quelques graphiques informatifs et de remarques précises, ils démontent les propos du Président de la République sur les résultats de la recherche publique, sa soi-disante "non ou auto-évaluation", les crédits des Universités etc. Le tout vaut le détour. Il n'est pas impossible que l'incroyable dose de morgue, de mépris pour le travail intellectuel, pour la recherche publique et... la vérité dont à fait preuve le Président de la République dans ce discours soit pour beaucoup dans la colère actuelle de nombreux scientifiques.
Ainsi, le Conseil Scientifique du CNRS, composé pour moité de membres nommés, a voté à l'unanimité une motion condamnant ce discours. "Le Conseil scientifique du CNRS réuni le 27 janvier 2009 s’associe à la forte émotion des personnels de la recherche provoquée par le discours du Président de la République du 22 janvier 2009. Il s’indigne de l’énoncé de contre-vérités manifestes appuyées sur des éléments partiels et des erreurs concernant la recherche française, notamment en ce qui concerne son mode d’évaluation. Ce discours lui semble procéder de la provocation. Le Conseil scientifique du CNRS exprime donc sa profonde réprobation."
Le texte virulent signé par Albert Fert, prix Nobel de physique en 2007 constituait déjà une réponse à ce discours.
Université et Recherche : le Nobel de physique Albert Fert critique sévèrement Sarkozy et Pécresse
29 janv.2009
Albert_fert Depuis qu'Albert Fert a décroché le prix Nobel de Physique, en octobre 2007, Nicolas Sarkozy et Valérie Pécresse lui filent le train. Objectif : que cet élégant physicien soutienne publiquement les réformes du système de recherche et d'enseignement supérieur décidées par l'Elysée.
Débonnaire, prudent en politique, de caractère plutôt gentil et passionné surtout de physique (et de jazz), Albert Fert a longtemps laissé dire un Président qui prétend que son histoire scientifique donne raison à ses réformes.
Pourtant, le jour de l'annonce de son Nobel, alors qu'il siégeait en Conseil Scientifque du Cnrs, il avait déjà indiqué qu'il ne se laisserait pas manipuler. C'est ainsi que j'avais publié dans Libération le lendemain de la nouvelle du Nobel, cette phrase, malheureusement prémonitoire d'Albert Fert : "En cette période de transformation de notre système de recherche, j'ai envie de dire à notre ministre Valérie Pécresse d'éviter une approche idéologique, qu'il faut absolument garder la capacité de coordination, d'élaboration d'une stratégie nationale du Cnrs dont l'Agence nationale de la recherche (ANR) n'est pas dotée. Ce que dit ce Nobel, c'est aussi que si la recherche est importante pour l'économie, elle commence par des travaux fondamentaux qu'il faut ensuite transférer de manière fluide vers les entreprises (..) Désolé, je dois vous quitter, monsieur Sarkozy m'appelle".
Aujourd'hui, Albert Fert me transmet un texte qu'il signe avec trois autres scientifiques de renom. Précis, argumenté, ce texte critique durement la politique de Nicolas Sarkozy et de Valérie Pécresse, tant pour la recherche que pour l'Université. Les scientifiques et les universitaires y verront un encouragement à leur action en cours contre ces réformes, qui pourrait prendre la forme d'une grève dure à partir de lundi prochain. Le blog Science2 publie ce texte avec l'accord de ses signataires. Le voici ci dessous et en pdf.
Réforme des universités et de la recherche : des discours aux actes
Par :
Bruno Chaudret, chimiste, membre de l’Académie des sciences, directeur de recherche, Albert Fert, physicien, prix Nobel 2007, professeur, Yves Laszlo, mathématicien, professeur, Denis Mazeaud, juriste, professeur.
Depuis des mois, le gouvernement proclame sa volonté de réformer le système de l’enseignement supérieur et de la recherche pour le hisser au meilleur niveau mondial.
De nombreux représentants de la communauté scientifique, parmi lesquels des signataires de ce texte, ont manifesté un grand intérêt pour ce projet et ont proposé de nombreuses pistes de réflexion. Le ministère les a pieusement écoutés pour ensuite ne tenir aucun compte de leurs suggestions et remarques. Et les orientations finalement retenues, souvent en contradiction avec le but affiché, sont extrêmement préoccupantes.
Ainsi, alors que l’objectif affiché est l’excellence de nos universités et de notre recherche, alors que Mme Pécresse a proclamé sa volonté de porter nos meilleurs établissements aux premiers rangs du fameux classement de Shanghai, comment comprendre que les réductions d’effectifs annoncées touchent notamment les universités les mieux placées dans ce classement ?
Le ministère réplique que ces suppressions de postes pourront être compensées par la possibilité deManif_paris_20_novembre moduler la charge d’enseignement des universitaires en fonction de leur activité de recherche, possibilité qu’introduit un récent projet de décret. Une modulation des services, dans son principe, pourrait avoir l’intérêt de réduire la lourdeur de la charge d’enseignement qui handicape l’activité de recherche de nombreux universitaires, notamment vis-àvis de certains collègues étrangers. Mais ses modalités de mise en oeuvre en font une mesure dangereuse, hypocrite et contre-productive.
La modulation envisagée est dangereuse : elle dépend du seul pouvoir du président d’université et de son conseil d’administration, nullement liés par l’avis seulement consultatif du Conseil National des Universités. Cet organe représentatif, chargé de l’évaluation des universitaires, tire pourtant sa légitimité de son indépendance à l’égard du pouvoir central (ministère) et des pouvoirs locaux (président et conseils d’université) ainsi que de sa composition, qui garantit une évaluation des universitaires par des pairs compétents, ce qui est indispensable à toute évaluation impartiale et équitable. En le confinant à un rôle subalterne et en conférant des pouvoirs exorbitants aux présidents d’université, la réforme porte gravement atteinte au principe d’indépendance des universitaires. Or ce principe est consacré dans tous les pays dotés d’universités performantes, tout simplement parce que l’indépendance est indispensable à une recherche créative et à un enseignement de qualité. « L’université est une communauté de chercheurs scientifiques libres de suivre leurs idées dans n’importe quel domaine du savoir » a dit un président de l’université Rockfeller, célèbre université privée américaine. Loin d’améliorer la qualité de la recherche et de l’enseignement supérieur, la réforme projetée aboutira ainsi au « clientélisme » et au « localisme » si souvent dénoncés par le ministère.
Affiche_academic_pride La modulation envisagée est également hypocrite. Alors qu’on la présente comme un moyen d’améliorer la qualité de la recherche, on doit craindre qu’elle soit seulement un moyen d’alourdir la charge d’enseignement des universitaires. Comment le ministère peut-il supprimer des postes dans de très bonnes universités et soutenir, en même temps, que la modulation servira à alléger les charges d’enseignement de la majorité d’excellents chercheurs de ces universités ? L’érosion du potentiel d’enseignement empêchera de facto la modulation à la baisse et imposera la modulation à la hausse, quel que soit le niveau des Universités et des universitaires.
Et cette modulation s’avèrera ainsi finalement contre-productive. A l’inverse de la volonté affichée par le ministère, cette mesure, si elle aboutit donc à alourdir la charge d’enseignement, affaiblira durablement le potentiel de recherche des universitaires. Le souci de ne pas gaspiller l’argent des contribuables est légitime et nécessaire. Encore faut-il que ces économies s’avèrent productives. A l’heure où l’économie réelle a besoin d’investissements d’avenir aux dires mêmes du président de la République, la politique à courtevue de coupes claires sans discernement dans la recherche et l’enseignement supérieur est suicidaire.
Et là ne résident pas les seules contradictions.
Premier exemple, les « chaires organisme-université ». Ces postes, destinés à attirer les jeunes chercheurs les plus brillants, offrent une meilleure rémunération, des crédits de recherche et un service d’enseignement allégé pendant 5 ou 10 ans. L’idée, si elle ne doit pas cacher la « misère universitaire française », était assurément séduisante. Mais sa mise en oeuvre est désastreuse. Dans la configuration actuelle, en effet, chaque chaire, avec ses crédits de recherche budgétisés avec les salaires, coûte presque autant que deux postes d’enseignant-chercheur ou de chercheur : à budget constant, chaque chaire « consomme » donc deux postes ou presque et conduit ainsi à diminuer le nombre global de postes disponibles. Et le ministère a refusé tous les modes de financement alternatifs, même ceux n’entraînant pas d’augmentation du budget de l’enseignement supérieur. Cette diminution des postes disponibles réduira le nombre global de brillants chercheurs recrutés et ira donc à l’encontre du but recherché : attirer ou retenir les meilleurs. Une bonne idée potentielle a ainsi été travestie en « une idée astucieuse pour rendre des postes à Bercy ».
Deuxième exemple, la réorganisation de la structuration de la recherche. La France doit nombre de sesLogo_cnrs_2 succès scientifiques aux organismes (CNRS notamment) qui garantissent la cohérence de l’effort national de recherche. La recherche universitaire est particulièrement performante dans les laboratoires dits mixtes, associant en partenariat l’organisme de recherche avec une université ou une entreprise. Il est surprenant d’entendre le président de la République annoncer le 22 janvier la transformation totale du CNRS en agence de moyens, ce qui serait la fin de cette fructueuse mixité, au mépris du plan stratégique de l’organisme pourtant accepté par l’Etat il y a 6 mois. Ce dans un discours où il célèbre l’un de nous, qui effectue sa recherche dans un laboratoire… mixte ! S’il importe de moderniser les Organismes, c’est en instituant un partenariat équilibré avec l’Université. Il faut aussi donner des moyens réels aux Organismes. Or, la réorganisation du CNRS en Instituts s’accompagne de nouvelles missions (notamment le développement de projets transdisciplinaires nationaux) pour lesquelles des moyens supplémentaires n’ont pas été déployés, ce qui handicape sa capacité de soutien aux laboratoires. Sans parler de la baisse du nombre de ses recrutements, dont la qualité est pourtant reconnue, ni du risque d’éclatement pur et simple de l’organisme qui sonnerait le glas d’une vision nationale pluridisciplinaire de la science française.
Troisième exemple, la politique de financement des projets de recherche. Le gouvernement connaît les dangers d’un excès de financement de projets à court terme ou trop ciblés, aux dépens des dotations annuelles des laboratoires et des financements de projets libres (dits blancs). Pourtant, la part réelle des dotations annuelles dans le budget des laboratoires diminue tandis que l’augmentation réelle des projets blancs est dérisoire à l’aune des standards internationaux. La ministre elle-même avait pourtant reconnu la nécessité d’en augmenter significativement la part.
Manif_orsay Les enseignants-chercheurs sont, quelle que soit leur affinité politique, largement opposés à la réforme actuellement engagée, incohérente et mal pensée. La gravité de la situation et la stérilité des discussions avec le ministère contraignent le milieu à des actions de protestation inhabituelles dans une atmosphère explosive : appel de la conférence des présidents d’université au président de la République, rétention de notes, signature de pétitions, appel à la grève… Certains envisagent la cessation des responsabilités collectives qu’ils assument.
Nous en appelons au Gouvernement pour une réforme respectueuse des libertés universitaires et soucieuse réellement de la qualité de la recherche française. Madame la ministre, Messieurs les conseillers, la recherche et l’enseignement supérieur valent mieux que des mesures incohérentes et contraires à l’ambition affichée : la performance !