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Chanson et politique : Gaza

Publié le 01 février 2009 par Gonzo

Entre censure (arabe) et ignorance (des médias occidentaux), il est difficile d’estimer l’impact des bombardements israéliens sur Gaza auprès de l’opinion arabe. Il y a eu des manifestations partout (y compris en Arabie saoudite ce qui n’est pas si fréquent) mais, globalement, les régimes en place donnent l’impression de contrôler la situation, en associant répression et récupération.

Toutefois, à l’exception d’une partie des leaders d’opinion qui, à l’image d’Adel Imam, ont continué à défendre l’indéfendable (voir le précédent billet), il est manifeste que la plupart des intellectuels et des artistes ont rejoint l’opinion et ont pris fait et cause pour les victimes arabes.

C’est vrai en particulier pour les vedettes de la chanson qui se sont empressées de manifester leur soutien. Rien d’extraordinaire dans le cas d’un Abdel-Rahim “Shaaboula” Shaaban, grande vedette populaire égyptienne qui s’est fait une spécialité de commenter « à chaud » l’actualité politique et qui a été le premier à se manifester, aux tout premiers jours des bombardements. Mais la chose est plus étonnante - et sans doute plus significative quant à l’état de l’opinion arabe - lorsqu’une Nancy Ajram modifie son clip pour que l’amour malheureux de sa chanson devienne un combattant (article en arabe), ou lorsqu’un Tamer Hosni, l’idole des adolescentes locales, décide à son tour de saluer les victimes de Gaza.

Significativement par rapport au désarroi de l’opinion arabe, le morceau qu’il a composé à propos de Gaza apparaît sous un double titre : l’officiel, kullunâ wâhid (Nous ne faisons qu’un), et celui que semble avoir davantage retenu le public, Mesh ‘ârif a’mil hâga (Je ne sais pas quoi faire).

De fait, nombre de commentateurs remarquent que la plupart des chansons se caractérisent par leur ton geignard. Ce ne sont que plaintes et lamentations, où Gaza rime jusqu’à l’écœurement avec ‘izza (عزة : à la fois fierté et attachement) souligne ainsi l’auteur de cet article (en arabe) sur le site islam-online, et l’on ne peut que constater que la plus combative des chansons, la plus émouvante peut-être, est celle de Michael Heart, un Américain (paroles en anglais, espagnol en français sur le site tlaxcala, vidéo avec sous-titres arabes que je recommande d’aller regarder ici).

A entendre ces chansons composées à la va-vite et interprétées par des artistes qui arborent désormais un keffieh mais qui n’avaient guère manifesté d’opinons politiques jusque-là, certains ne peuvent s’empêcher de s’interroger sur leurs motivations. Ne s’agit-il pas surtout, se demande Ahnad Mansour, un critique syrien dans Al-Quds al-’arabi, de profiter des circonstances en proposant le produit musical susceptible d’accompagner les reportages en boucle des télévisions arabes sur les événements de Gaza ?

Si l’on voulait pousser la critique, on pourrait facilement se moquer de ce monde arabe qui ne se montre capable de réagir aux bombardements sur Gaza que par des chansons, plus ou moins appréciées du public et des critiques. Mais ce serait oublier que la chanson a été - et reste peut-être encore - une forme culturelle qui reste un important vecteur de mobilisation politique dans cette région. Jusqu’à une époque récente, les grandes dates de l’histoire arabe restent associées, dans la mémoire collective, à certaines mélodies, certaines paroles.

Et si une partie du public arabe se désole aujourd’hui de constater la médiocrité des titres que diffusent les médias, cela tient sans doute autant à la profondeur de la crise politique régionale qu’à la transformation des pratiques locales, gagnées elles aussi par la mondialisation des industries culturelles qui favorisent désormais la circulation de produits rapidement consommés et oubliés, sans trop se soucier de considérations idéologiques.

D’ailleurs, faute de trouver sur le « marché » contemporain les chansons dans lesquelles ils se reconnaissent, les auditeurs arabes ont plébiscité - voir cet article (en arabe) - de « vieux » titres militants des années 1980, tels Unâdi-kum (”Je vous appelle”, un poème de Tawîq Zayyâd) d’Ahmad Qa‘bûr (أحمد قعبور) ou encore Nazalna ‘al-shawâri‘ (On est dans la rue !)  de Walid Abdessalam (وليد عبد السلام : version assez rétro ici).

En complément, vous trouverez dans “cpa”, deux billets sur la chanson politique (1 et 2) , et un autre sur le “tube” de Chaaboula “Je hais Israël”. Quant à la chanson de Tamer Hosni, on n’est pas obligé d’aimer musicalement mais c’est un témoignage !


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