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Je voudrais tant que tu te souviennes....

Par Sylvie
de DOMINIQUE MAINARD
Je voudrais tant que tu te souviennes
Editions Joelle Losfeld, 2007
Voici l'un des seuls titres de Dominique Mainard que je n'avais pas encore lu. Encore de la poésie, une très belle sensibilité. Un contre très romanesque dans lequel on s'embarque comme dans un rêve....
Dans une petite ville, une très belle histoire d'amitié entre une jeune fille, Julide, cartomancienne à ses heures, et Mado, une vieille dame poliomyélite, qui commence à perdre la mémoire....Lorsque qu'Albanela, la tante de Julide, retourne dans son pays, elle fait promettre à sa nièce de s'occuper de la vieille dame, de veiller sur son carnet...
Mado vit dans son univers ; depuis toute petite, sa passion est la photographie. Elle photographie son "carré" de monde à elle, les aspérités du sol, l'herbe, les cailloux...Pour rythmer sa journée dans son petit pavillon, retentit le chant de son canari et la sonnerie du "petit soldat rouge" son réveil.
Un jour, dans le village, apparaît un nouveau venu, "l'indien", un couvreur qui lui ne regarde que le ciel. Dans son carnet, lui aussi, il consigne le langage secret des étoiles...Le rêveur se promène de toits en toits et attire l'attention de Julide et de Mado.
Comme le dit Julide à Mado, c'est "ta vie à l'envers". Entre Mado, la terrienne, la photographe du sol, et l'Indien, le rêveur du ciel, va se nouer une relation bien romanesque...Alors que Julide est sur le point d'être unie avec son cousin, elle tombe elle aussi amoureuse de l'indien...
Voici une bien étrange histoire. Oublions les invraisemblances, la voix de la raison, et laissons nous embarqués dans un très beau conte, féerique et en même temps tragique. Dominique Mainard a le talent de nous emmener dans des territoires entre rêves et réalité, très enfantins. Mado, la vieille femme poliomyélite, est restée une femme enfant qui n'a jamais connu l'amour. Ses cheveux roux, teints au henné, nous font oublier sa vieillesse. Quant à l'Indien, il est décrit comme un funambule, un Pierrot...
Ce triangle de personnages va donner lieu à des chassés-croisés dans le village ; de Mado, l'Indien ne connaît que sa belle chevelure rousse qu'il repère de son toit. Mais son visage, il ne l'a jamais vu...Un jeu de piste commence. Pour taire la vérité, va alors se nouer une étrange pacte entre la vieille dame et Julide...
Ce roman est une ode à l'enfance, toujours présente malgré les années qui passent, une enfance qui fait croire aux rêves les plus fous. Ode à l'amour bien sûr et aussi à l'amitié entre une jeune fille et une vieille dame.
L'auteur excelle dans la création de personnages solitaires, marginaux, décalés et rêveurs. La poésie naît de l'opposition entre ciel et terre, monde d'en haut et monde d'en bas. Et dans les contes, les contraires se rencontrent...

Pour les amoureux de l'imaginaire, de l'enfance...et du romanesque bien sûr !
" Ce monde minuscule, comme il l'appelait, il l'avait inventé pour la consoler de l'infirmité qui la condamnait à sauter à cloche-pied ou à ramper en traînant sa jambe malade. C'était un carré entouré d'une haie d'arbustes dont elle avait choisi les essences dans une encyclopédie et qu'elle l'avait aidé à planter. A l'intérieur de cette haie se succédaient des rangées d'une mosaïque composée de ce qu'ils ramassaient ça et là lors de leurs promenades en ville, Mado juchée sur le dos de son père, les bras noués autour de son cou : de jolies capsules de bouteilles, une boucle d'oreille, une bague à laquelle manquait sa pierre, des pièces de monnaie, et même l'aile desséchée d'un rouge-gorge et le crâne étroit d'un mulot
qu'ils avaient laissé au soleil jusqu'à ce qu'il adopte la blancheur de l'ivoire. Au milieu se trouvait un carré de gazon d'un vert émeraude, ras et doux comme du velours - du gazon anglais, précisait invariablement son père en dressant un doigt, comme s'il s'agissait d'une herbe infiniment rare et précieuse provenant des régions les plus reculées de l'Inde et de l'Iran, et chaque fois Mado riait en caressant l'herbe si douce sous ses paumes. Pour elle et pour elle seule, son père avait composé ce tableau dont il avait enfoncé soigneusement les éléments dans la terre de sorte qu'ils n'affleurent qu'à peine et ne puissent la blesser, y ajoutant des choses éphémères, des morceaux de sucre roux, le glaçage d'un gâteau d'anniversaire découpé en petits carrés disposés de façon à épeler son prénom. Il lui jurait que ce monde là était aussi beau que l'autre, le grand, celui qui était à la portée de tous"

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