Comme promis, ce post fait suite à mes impressions sur Braid, titre XBox Live Arcade. J’ai tâché d’éviter les spoilers, mais je pense quand même que ca parlera beaucoup plus à ceux qui ont déjà fini le jeu. Pour les autres, ca peut par contre leur suggérer “hey, pour avoir vomi une quantité de mots pareils sur ce jeu, ca vaudrait peut être le coup que j’y joue en fait”. Enfin pour les autres qui n’ont en plus pas de Xbox 360 ca sera surement plus “génial, mais moi je ne peux jamais y jouer donc.” En fait il doit sortir sur Steam un jour ou l’autre.
Je me suis gardé de parler de tout ce qui touchait à l’histoire jusque là, car c’est là que le sujet devient sensible. La valeur intrinsèque du jeu est déjà bien suffisante et je n’avais pas vraiment envie d’effrayer les eventuels potentiels acheteurs du jeu avec de grandes considérations sur la narration dans Braid. Mais pour les intéressés, c’est dans la suite.
Braid est vraiment le jeu d’un seul individu, Jonathan Blow, game designer indépendant. Et il ne fait pas ca que pour payer son plat de nouilles quotidien, il est profondément passionné par les jeux vidéos et leur avenir. Et comme beaucoup d’autres, il fait ce constat : les jeux vidéos manquent de maturité. Je reviendrai sur ses positions prochainement car il défend bon nombre de points qui méritent qu’on s’y attarde si on se sent un minimum concerné par ce média.
Mais restons sur Braid pour aujourd’hui. Dans l’oeil de Blow, les plus grosses productions actuelles de l’industrie vidéoludique ressemblent à un mariage maladroit entre jeu et cinéma. Avec leurs scénarios complexes, leurs décors grandiloquents et leur multitude de personnages, les jeux veulent recréer le sentiment cinématographique au possible. Mais la plupart du temps, histoire et gameplay se mélangent difficilement. Et si cela n’empeche pas de jouer ni d’apprécier l’histoire de manière indépendante, selon Blow ces maladresses préviennent le joueur de s’impliquer émotionnellement dans l’expérience de jeu. Sans rentrer dans un exemple précis, on a tous eu des moments où les cutscenes nous semblaient un fardeau à supporter en attendant la prochaine séquence de jeu, ou inversement. Bref le mélange fait des grumeaux et Blow est convaincu qu’en homogénéisant tout ça, il peut créer un jeu qui parle vraiment aux joueurs, sur des sujets tout aussi profonds que n’importe quel livre/film le ferait. Voilà son credo, et Braid est donc censé être sa concrétisation.
Bien que rempli de références cocasses à Mario (goombas, plantes carnivores et princesses qui sont dans another castle), Braid veut en fait parler souvenirs, erreurs, regrets. L’action du temps sur nos mémoires et leur inévitable altération, tout ça, tout ça. Les thèmes de Braid ont continué à résonner dans ma tête pendant des jours après avoir fini l’aventure. Bravo M. Blow, belle prouesse ! Le petit problème, c’est qu’avant la fin, je n’avais guère perçu que quelques murmures en provenance de la narration. L’histoire, l’ambiance, les thèmes, la sève de Braid, tout cela me semblait bien loin pendant que je jouais. Délivrant sporadiquement quelques diatribes de texte avant chaque niveau, laissant au joueur le choix de les lire ou non, on ne peut pas dire que Blow nous tienne la main pour rentrer dans son univers. En joueur à peu près consciencieux, je m’attachais quand même à lire tous les écrans (pourtant pas franchement de la grande littérature). Malgré toute ma dévotion, impossible d’assembler toutes ces bribes pour en faire ressortir une idée. Heureusement que j’adorais le jeu en lui même, car sans ça, l’histoire aurait bien eu du mal à me passionner. Mais ce n’est qu’à la fin que que Braid se décide à se dévoiler un peu. C’est à la fin qu’on réalise que Braid n’est pas qu’un jeu à puzzles, c’est un puzzle en lui même. Alors, l’effet sur le joueur est vraiment poignant. On retraverse le jeu par l’esprit et on redécouvre certains éléments sous un nouveau jour. Histoire et gameplay participent main dans la main à faire de Braid une expérience significative. Seulement c’est une sensation que ne connaîtront que ceux qui ont parcouru Braid du début à la fin, s’arrêtant sur chaque texte du jeu. Les autres n’auront franchement pas eu le moindre indice laissant imaginer une telle valeur cachée dans le jeu.C’est beau de soigner le finish, mais il aurait sûrement été plus judicieux d’éparpiller quelques miettes de l’essence de Braid tout au long de l’ascension. On reste donc avec un jeu sûrement majeur, mais surtout inaccessible. Enfin sans parler d’inaccessibilité, il risque surtout de passer à côté de son public. Tout ceux qui cherchent des expériences prenantes dans un jeu, mais qui n’auront vu dans Braid qu’un petit puzzle.
Quelques ressources intéressantes (et en anglais pour la plupart … désolé) :
- MP3 et Présentation de Jonathan Blow à l’occasion du MIGS 2007 :
http://number-none.com/montreal2007.zip
- Série de posts sur brainygamer.com, autour de Braid :
http://www.brainygamer.com/the_brainy_gamer/2008/08/a-conversation.html
- Un autre post tiré de brainygamer.com, sur le sujet plus général de la narration dans les jeux vidéos : http://www.brainygamer.com/the_brainy_gamer/2008/08/a-time-for-mani.html
- Un peu rien à voir, mais alessonislearned, le webcomic crée entre autre par l’artiste derrière les graphismes de Braid, David Hellman :
http://www.alessonislearned.com/
- Plus dans le sujet, mais toujours David Hellman avec un retour sur la conception graphique du jeu : http://www.davidhellman.net/braid.htm
- Enfin, gros dossier de Gamasutra, avec Blow :
http://www.gamasutra.com/view/feature/3786/jonathan_blow_the_path_to_braid.php
- Et re-gros dossier de Gamasutra, avec Hellman :
http://www.gamasutra.com/view/feature/3753/the_art_of_braid_creating_a_.php
Bonne lecture !