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Chute des prix de l'immobilier à Phuket !

Publié le 02 janvier 2009 par Julien Mayard

  Depuis l'éclatement de la bulle des sub-primes, les autorités nous ressassent que la Thaïlande, dont plus 70% du P.I.B. est constitué par l'export et le tourisme, est "immunisée" contre la crise.
(J'en profite pour rappeler aux sceptiques que la Thaïlande est dotée d'une épée de Paladin qui lui donne +12 à l'attaque et d'une cotte de mailles tricotée par des elfes qui la protège contre les orques, le virus de la rougeole et  les crises économiques internationales.)

Or, les prix baissent enfin à Phuket.
Même si, officiellement, les prix augmentent toujours; en fait, tout est négociable et certains propriétaires ont déjà diminué leurs prétentions jusqu'à 80% !

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   Par exemple, cette maison, située à Rawai dans le sud de l'île, initialement mise en vente à 10,5 millions de Baht (228 000 €), vient de s'échanger à 5,9 millions (128 000 €).

Autre exemple, cet hôtel 5 étoiles de  41 villas à vendre pour 380 Millions de Baht (8 200 000 €) était affiché à 10 millions d'Euros il y a un an.

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Mais c'est du côté des promoteurs en difficulté que l'on trouve les plus belles affaires.
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Par exemple, ce projet à compléter à Yamoo (voir détails) dont le prix demandé passe de 60 millions de Baht (1,3 millions d'Euros) à 35,4 (1 million de Dollars ou 770 000 €).
Le projet comprend 4 villas en construction (hors d'eau) à finir et une parcelle de terrain viabilisée sur laquelle on peut construire 3 villas supplémentaires.
L'une des 4 villas en construction vaut à elle seule plus de 40 millions de Baht, soit plus que le prix demandé pour l'ensemble du projet.
Ou encore le terrain de ce projet (voir détails) de 60 appartements et 6 villas à Bangtao qui était à vendre sur la base de 11,5 millions de Baht du Rai soit 145 € /m² est maintenant descendu à 10 millions de Baht du Rai soit 125 € /m².
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A Botan Village, une villa de 350 m², dont l'acheteur initial ne peut payer les échéances, est de nouveau sur le marché à 16 millions de Baht (330 000 €) au lieu de 25 (516 000 €).
Alors, sommes-nous en crise pour autant?
Car, même s'il y a des affaires à faire en ce moment, le phénomène de baisse n'est pas encore généralisé. Surtout les baisses indiquées ici correspondent à une baisse des prétentions des vendeurs, pas à une perte par rapport au prix d'achat.
   Je vais d'abord énumérer les arguments négatifs, qui entraineraient une baisse des prix durables, puis les éléments positifs, ceux qui plaident plutôt vers une stabilisation du marché puis tenter de prédire une tendance à court / moyen terme.

  1. Arguments négatifs
    1. L'instabilité politique:
      Le conflit qui a éclaté au début 2006 a eu deux effets.
      Il a d'abord mis en évidence la carence de protection du droit de la propriété, en particulier dans le domaine de l'immobilier.
      Ensuite, le spectacle des aéroports bloqués fait redouter à certains un dérapage vers une guerre civile en Thaïlande.
      Le fonds du problème est justement qu'on ne peut même pas discuter du problème car il y a ici un tabou pesant sur tout ce qui touche la monarchie.
    2. La crise économique internationale se répercute sur le marché de Phuket.
      Auparavant, les banques locales ne faisant pas de crédit aux étrangers désirant acheter un bien immobilier en Thaïlande ,ceux-ci avaient pris l'habitude de payer "cash", mais à l'aide de crédit obtenu dans leur pays d'origine et garanti par leurs biens propres. Cela n'est plus possible aujourd'hui.
      Une étude de Colliers International Thailand, sur le marché des stations balnéaires thaïlandaises, montre que le pouvoir d'achat des étrangers surtout en provenance des Etats-Unis, de l'Europe, de Hong Kong et de Singapour aurait déjà diminué de 20 à 50%. Cependant on peux s'intérroger sur les fondements de cette étude, étant donné que Colliers n'est pas vraiment actif sur le marché de Phuket.
    3. Un "P/E" (price earning ratio) trop élevé: une rentabilité locative faible, due aux prix d'acquisition élevés.
    4. Des charges élevés.
      En général, les charges dans les résidences privées tournent autour de 50 ฿ / m². Il n'est pas rare de voir des propriétaires ayant 500 € de charges à payer tous les mois.
    5. La baisse du prix des matières premières, donc des coûts de construction, qui entrainerait une baisse des prix du neuf et, par conséquent, tirerait le marché vers le bas.
    6. Un développement anarchique ne tenant aucun compte de l'environnement.
       
  2. Arguments Positifs
    1. Même si la crise politique est loin d'être réglée, les troubles se sont calmés en apparence. Il faut remarquer qu'on jouit en Thaïlande d'une impression de sécurité au quotidien à laquelle on n'est plus habitué en France.
    2. Oui, la Thaïlande est touchée par la crise, mais l'impact sur le marché de l'immobilier local, et notamment à Phuket, s'observe différemment que dans le reste du monde.
      D'abord, il n'y a pas eu vraiment "d'effet sub-prime" direct ici, les banques n'accordant pas ou peu de crédits.
      Lorsqu'un marché est florissant, on ne peut empêcher une certaine part de spéculation. Cependant, ce que j'ai pu observer depuis 2004, en tant qu'agent immobilier et promoteur, ce ne sont pas des fonds d'investissement ou des financiers recherchant la meilleur rentabilité possible et alimentant une bulle spéculative, mais plutôt des individus faisant un achat à usage personnel, c'est-à-dire une résidence secondaire pour leurs vacances ou bien une demeure de retraite. Comme la finalité première n'était pas de gagner de l'argent à court terme et étant donné que les achats ont été payés cash, finalement peu de propriétaires ont besoin de vendre aujourd'hui.
    3. Le P/E est certes élevé, notamment pour les biens situés près des plages de la côte ouest et destinés à une location saisonnière; cependant il est encore possible de trouver des biens ayant une rentabilité locative décente pour les propriétés destinées à la résidence (par opposition à l'exploitation saisonnière) et achetées à un prix raisonnable.
    4. L'argument déflationniste ne tiendra qu'à très court terme car nous parlons de ressources limitées: le fer, le cuivre, sans parler du pétrole qui multiplie les hausses en augmentant les coûts de transport, toutes ces denrées sont épuisables. Par ailleurs, concernant la charge foncière, nous sommes sur une île encore plus petite que celle de Singapour (respectivement 543 Km2 et 693 Km2), l'espace est donc rare.
      De plus, nombre de projets ont été suspendus ou même carrément annulés ce qui réduit l'offre de façon abrupte.
    5. Enfin, il y a ce que j'appellerais le "non-quantifiable".
      Voici quelques photos des îles de la Baie de Phang Nga. C'est à une heure de Phuket en voiture et c'est magnifique. C'est un facteur essentiel, on vient à Phuket pour la qualité de vie.

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Avant de conclure, je voudrais souligner que le marché de l'immobilier à Phuket est, par essence, lent. Nous évoluons sur un marché "international" ce qui veut dire qu'une fois qu'un bien est mis en vente, que l'annonce est publiée sur un médium international; il faut attendre que la partie intéressée organise un voyage (c'est-à-dire réserve un billet d'avion, se dégage des ses obligations etc.) pour venir visiter le bien sur place. Ceci rallonge considérablement la durée durant laquelle le bien reste sur le marché. Là où celle-ci se compte en jours à Singapour; à Phuket un bien se vend rarement en moins de 6 mois.
Quand je parle de court terme, je me place donc à l'horizon de l'hiver 2009-2010, voire 2010-2011.
Au niveau national, les analystes de grosses sociétés de promotion immobilière comme Supalai, Land and Houses ou encore Asian Property Development prévoient moins de transactions pour 2009, malgré une baisse de 5 à 10% de la valeur des résidences, baisse due, selon eux, à la chute des prix des matériaux de construction, et malgré les incitations fiscales mises en place récemment par le gouvernement.
Cette analyse ne peut être appliquée telle quelle au marché de Phuket en raison de sa spécificité.
D'une part, les incitations fiscales (l'abattement sur les ventes passerait de 100 000 à 200 000 ฿) n'auront de répercussion que sur les ventes inférieures à 3 millions de Bahts (environ 62 000 €). Or le marché de Phuket se situe plutôt dans le haut de gamme. D'autre part, c'est plutôt un marché de résidences secondaires qu'un marché de résidences permanentes; les préoccupations des acheteurs sont donc différentes.
Cependant,je pense également qu'on verra peu de transactions durant les 18 prochains mois.
Pour la suite, cela dépend de deux paramètres, à savoir la situation économique mondiale et surtout la situation politique locale, mais je pencherais plutôt, vers une stabilisation, voire une reprise du marché.

Lectures complémentaires sur la situation politique en Thaïlande:

  • En Anglais, un article détaillé de The Economist, qui d'ailleurs a été censuré en Thaïlande car il parle de la monarchie: Thailand's monarchy — The king and them .
  • En Français, un article d'Alternatives International qui recoupe certaine des informations apportées par The Economist: Thaïlande Les suites du coup d’état : une spirale sans fin ?

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