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Fight cube

Publié le 21 décembre 2008 par Lazare
A propos de Tirez sur l'Architecte d'Alain Paucard (L'Age d'Homme).
Voilà un tout petit livre (pas même cent pages!), ironiquement sous titré: roman constructiviste, & dont je dois la découverte à la prof d'italien la plus wannagain-people-you de toute la vallée. M'intéressant à l'extrême contemporain (pourquoi pas?) je tombe sur un article de Bennedetta De Lucia, jeune thésarde de l'Università degli Studi di Bari qui, & là je cite la plaquette du GREC (Groupe de Recherche sur l'Extrême Contemporain... c'est les jeunes excités du Péloponèse qui vont être contents), « collectionne les visages & les mains des personnes qu'elle croise ». Le papier traite, en gros, de la ville en tant que corps singulier dans les romans contemporains & de tout un pataquès d'autres choses infiniment intéressantes. Dedans elle y parle aussi d'Alain Paucard & de son bon-mais-bref-roman: Tirez sur l'Architecte.

Tout commence par un western, ou plutôt: tout commence avec une superbe scène de scalpage tirée du Jugement des Flèches de Samuel Fuller. On ne le sait pas encore mais la méthodologie criminelle du roman se trouve toute entière dans ces deux premières pages. Quelque part Jacques Lefrançois (le gars qui regarde la scène de scalpage) est un peintre presque raté. Je dis raté & c'est vicieux, mais c'est le cas. Il est plus connu par le patron du bistrot où il traîne ses théories fumeuses sur le Beaujolais que par les clients des galeries d'art (vous me direz que beaucoup ont commencé comme ça & vous aurez sans doute raison). Les gens tournent autour de ses toiles sans pouvoir s'empêcher de vomir des paquets de banalités (devant une peinture représentant un bistrot un type lâche: « Tiens, ça donne soif! »). Pourvu qu'il puissent continuer à s'empiffrer au buffet. Comme on pouvait s'y attendre Jacquou est un personnage aigri, limite réactionnaire, qui conspue la terre entière pour sa connerie & son manque évident de goût & comment ne pas le comprendre? Mais voilà qu'autour de lui des architectes sont massacrés. Un tueur en série assassine ces chantres de la modernité bétonnée en s'inspirant de scènes de tortures cinématographiques. Le véritable chef d'oeuvre en cours se passe alors loin des vernissages germanopratin (Tchin-tchin! Ha-ha-ha!). Fort d'un raffinement sans limites & d'un incommensurable désir de justice esthétique Jacques Lefrançois répare. Chaque confrontation avec ses victimes ou avec son verre de vin devient l'occasion inespérée d'une joute d'argumentation (on doit aussi à Alain Paucard un curieux pamphlet sur l'architecture: Les Criminels du Béton).
Jacques Lefrançois répare donc. Ou du moins le croit-il car, sans parasiter la lecture de ce bon roman, on découvrira dans les dernières lignes que le tueur n'est pas celui que l'on croyait. Ahaah! D'ailleurs, fonctionnant sur le même mode que le Fight Club (1996) de Chuck Palahniuk, la fin de Tirez sur l'Architecte (2000) est plutôt décevante parce que la brièveté du livre l'amène de façon bien trop brutale. Aucun indice n'est éparpillé, savamment caché entre les lignes, rien ne laisse soupçonner quoique ce soit (même après relecture) & le revirement fatal sort du chapeau comme un beau lapin bien dodu. Ça fait son petit effet mais on s'en doutait déjà. & alors ce personnage (qu'on en vienne à l'admirer pour son abnégation artistique ou à le détester pour son fondamentalisme assassin) perd toute son aura. Ce n'est plus qu'un vulgaire peintre alcoolique, fan de westerns, un râleur de plus dans notre Belle République, un amant pitoyable & égoïste & voilà tout. Le véritable tueur ne sera sans doute jamais retrouvé vu que c'est lui qui mène l'enquête. Mais qu'importe...

Alain Paucard serait presque le parfait coupable de cette histoire, membre du Club des Ronchons avec qui il a publié L'Horreur du Bonheur & Le Radeau de la Modernité, il est aussi l'auteur, outre du susnommé Les Criminels du Béton, de livres mignon-tout-plein comme: Carnets d’un Obsédé (Julliard / L’Âge d’Homme), Célébration du Whisky (coll. Renaudot et Cie, Le Rocher), De la misogynie considérée comme un des beaux arts (Acropole), La Crétinisation par la Culture (L’Âge d’Homme), Un jour tu me remercieras, trente-cinq lettres de rupture (Stanké) ... d'ici à ce qu'on apprenne qu'il a, effectivement, trucidé deux trois architectes...

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