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Noël! Montjoie! Saint-Denis! Arbois! Saint-Vincent! Même la neige était au rendez-vous! Stéphane-Saint Vernier-Planche avait revêtu, par dessus son costard 3 pièces, sa barbe blanche et son bonnet de Père Noël. Et qui c'était les gâtés? Toujours les mêmes, comme d'habitude. Enfin non, pas toujours les mêmes, la relève des apprentis jardiniers est perpétuelle, laissant ainsi la place à de nouvelles têtes à chaque séance.
Pour cette soirée festive, il fallait s'attendre à du sérieux et du lourd! On a été servis. Deux vins pour se faire la bouche (mais quelle bouche!) avant le monument de la soirée. Un vin que l'on ne boit qu'une fois dans sa vie, si l'on a la chance d'être au bon endroit au bon moment. Et cette chance, il ne fallait pas la louper!
Aveugle complet, comme à l'accoutumée, et ça va partir dans tous les sens:
- Champagne Vieille Vigne de Cramant 2004, Larmandier-Bernier: joli nez un peu brioché, évoquant des notes d'évolution sur un chardonnay. Riche et élégant à l'olfaction, il offre une bouche tranchante et droite. Schlak! Comme un coup de couteau en pleine langue! Minéral et affûté, incisif et ciselé, voilà un beau Champagne appétant, 100% chardo non dosé. "C'est pas de la limonade!", c'est même la bulle qui tient le vin et lui donne sa droiture.
- Alsace Pinot Gris Zellberg 1998, André Ostertag, "What's in a bird": la bulle à peine coincée, on enchaine tranquille. Le nez est magnifique, ouvert, épanoui, mentholé, anisé, fruité, torréfié, grillé. On le quitte avec peine pour porter le vin en bouche. Une bouche très belle, mais en décalage. Nette et pure, mais d'une grande acidité, très minérale, avec une finale hypersalivante, sur des notes subliminales d'hydrocarbures. Un vin incompris par beaucoup de dégustateurs dans sa jeunesse, qui est en passe de se sublimer au vieillissement. Au petit jeu de l'identification, l'Alsace fut évoquée, mais ça ne rieslinguait guère! Roussette de Savoie? Chenin? Perdu! Personne ne serait allé jusqu'à évoquer un Pinot Gris! Dommage! What's in a bird? Désormais, j'ai la réponse!
What's in a bird
envoyé par pumpum70
- Arbois Trousseau Saint-Paul 1959, Camille Loye: la robe est tuilée, orangée, mais non dépouillée. Elle brille encore de mille feux dans la fraicheur de la nuit arboisienne. Le nez est délicat, il faut le humer avec précaution, sans perdre les 0,8 premières secondes, riches d'enseignement. On passe du Banania, poudre de cacao, au pruneau, en passant par la fraise et la cerise. La bouche est nette, sans bavures, pinotant joliment tout en évoquant la rondeur du trousseau. Les tanins sont lisses et fondus, mais frais et toniques. Un vin "sur l'âge", mais pas un vieux vin. Une droiture de jeune homme pour un vin qui se donne. La grandeur d'un terroir ("sans aptitude au vieillissement, il ne peut y avoir de grand terroir!") et d'une appellation. Et vivent les vins rouges d'assemblage en Arbois? Parce que l'on sait désormais que si les Arbois Trousseau de Camille sont si charpentés et aptes à la garde, c'est qu'il existe une proportion non négligeable de pieds de Pinot Noir, éparpillés au milieu des vignes de Saint-Paul. Sacré Camille, va! Quoiqu'il en soit, une bouteille d'anthologie, une "grande quille", servie au moment opportun. Merci Stéphane!
- Côte Rotie 1998, Domaine Jamet: notes de fruits noirs, de torréfaction, de camphre, d'olive noire. C'est à la fois fruité et "viandeux", lardé. Un archétype de syrah, dans le bon sens du terme, la définition même de ce cépage sur un grand terroir. La bouche est enrobée, fraiche, acidulée, avec de beaux tanins, support du vin. Pas une ride, beaucoup de belles promesses pour l'avenir, un grand et beau vin!
- Lynch-Bages 1986, Pauillac: premier nez capté à ma gauche dans les 0,8 premières secondes: croûte de Comté! Je n'ai pas été aussi prompt au départ. J'y retrouve par la suite de la myrtille, des épices, du poivron bien mûr, mais toutes ces notes semblent comme en retrait. En bouche, les tannins sont serrés, presque revêches. Too straight, too strong pour nos palais sensuels et délicats, habitués aux rondeurs fruitées du Pinot noir, du grenache, du trousseau, de la syrah... Finale asséchante et dure, presque astringente. Malheureusement peu de plaisir procuré par cette référence bordelaise. Un style et des méthodes de vinification désormais totalement "has been" du côté des Jardins? J'insiste sur le fait qu'il s'agit bel et bien d'une dégustation à l'aveugle, sans a priori, et que, même si la majorité de l'assemblée s'est orientée vers Bordeaux et Pauillac quasiment d'entrée de jeu, beaucoup ont été fortement déçu par le vin, loin d'être à son avantage.
- Mâcon Villages Botrytis 2001, Jean Thévenet: une première douceur et un nez acidulé, élégant, riche et miellé. Bouch riche à l'équilibre moelleux, mais la finale se fait sur l'amertume, un peu trop cassante pour l'instant, manquant de fondu.
- Côteaux du Layon Clos des Bonnes Blanches 1996, Jo Pithon : robe ambrée, nez sur la tarte tatin caramélisée, la banane flambée, le vieux Rhum martiniquais. Un caractère oxydatif indéniable en bouche, avec des notes de fruits secs, de coing, de raisins de Corinthe à l'alcool, d'orange confite. Chenin, évidemment, et au final, un équilibre magistral, hyperséduisant pour une superbe bouteille de clôture. Il valait mieux rester là-dessus!
Tout le monde a reçu ses cadeaux, merci Père Noël des Jardins. Smack! Smack! et à l'année prochaine!
Olif