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"Sur le chemin des flamboyants" de Murielle Guerrero-Gillet

Par Cassiopea

Sur le chemin des flamboyants
Auteur : Murielle Guerrero-Gillet
Éditions : Taraxacum (1er Juillet 2022)
ISBN : 9782953456448
242 pages

Quatrième de couverture

L’enfer est pavé́ de belles intentions.
Londonien, Martin revient à Guéret après plusieurs années d’absence, pour le décès de sa mère… Quel secret de famille a-t-elle laissé en héritage ?
Entre la Creuse et La Réunion, Martin, Philippe et Joseph partent à la rencontre de leur enfance.
Un roman plein de sensibilité́ et d’optimisme qui croise la grande Histoire. Comment, il y a à peine cinquante ans, la République, dans ses plus belles intentions, a-t-elle pu provoquer autant de malheur, de destins fracassés et de destruction morale ?

Mon avis

Martin et Philippe sont frères. Leurs parents avaient une ferme près de Guéret mais aucun des deux n’a repris l’affaire familiale. Le premier a suivi un beau cursus scolaire et habite Londres avec sa compagne et sa fille. Le second, plus âgé de quelques années, est resté sur place et tient une épicerie où il a commencé à travailler à dix-huit ans en quittant la maison de ses parents sur un coup de tête.

2013, le père est décédé depuis quelques années et la mère vient de mourir. Martin, cinquante-deux ans, revient en France pour les funérailles, la vente des biens, et toutes les formalités. Il est heureux de retrouver son frangin et son ami Joseph, qui lui est coiffeur.

Philippe est un peu expéditif dans certains rangements, Martin s’interroge mais sans plus, jusqu’au jour où il trouve une petite valise avec quelques documents édifiants. Ce qui aurait dû rester un secret car son aîné l’a toujours protégé de cette révélation (car lui savait), est découvert. Ils sont nés sur l’île de la Réunion. Ils font partie des plus de deux milles enfants de la Creuse, envoyés en métropole pour repeupler les campagnes, et parfois fournir de la main d’œuvre pas chère, dans les années 1960 et 1970. Leurs prénoms ont été changés, leurs racines oubliées, tues, comment cela a-t-il été possible ?

C’est un choc pour le plus jeune. Que faire ? Il réalise que Joseph est probablement comme lui, un enfant adopté et c’est le cas. Les trois hommes vont partir à la Réunion pour essayer de connaître leurs origines, de comprendre pourquoi et comment ils ont été envoyés si loin de chez eux chez des inconnus… On va les suivre pendant leur séjour sur l’île où les révélations seront nombreuses, surprenantes et parfois douloureuses. On découvre les dégâts, causés par cet arrachement, sur les enfants mais aussi sur leurs père et mère.

Le récit de l’auteur est très intéressant, documenté (avec des explications historiques dans les dernières pages), bouleversant. Son écriture est fluide, plaisante, elle donne envie de lire encore et encore… Son roman est un bel hommage pour toutes ces personnes ici ou là-bas qui ont subi cette séparation de plein fouet sans pouvoir réellement dialoguer ….

Le scandale des enfants de la Creuse est un mensonge d’état. Les services sociaux ont menti aux familles, certaines ont dû signer un papier d’abandon sans en comprendre l’enjeu. On leur a promis que les enfants reviendraient, qu’ils feraient des études, qu’ils mangeraient à leur faim (et comme certains étaient très pauvres sur l’île, ils pensaient sauver leurs enfants) etc… Certains ont souffert, ont été maltraités, mal aimés, rien à voir avec les promesses …

Cette pratique migratoire a duré jusqu’en 1984 ! Et c’est seulement dans les années 2000 que les médias ont commencé à en parler. Jean-Jacques Martial après avoir découvert qu’il avait une famille à la Réunion a porté plainte contre l'État pour « enfance volée ». Petit à petit, mais très lentement, une forme de « reconnaissance » de la souffrance de ces enfants et de leurs parents a été « nommée » mais rien n’a été résolu. Un mémorial à Paris, un à la Réunion, des associations (dont Rasinn Anler 974), est-ce que ça permet de pardonner ce qui n’aurait jamais dû exister ? Certainement pas mais au moins, ceux qui sont finalement des victimes sont aidés dans leurs démarches, et ce pan historique, soigneusement tu et déformé, est enfin connu.

Elle s’appelle Marie-Line, elle est réunionnaise. C’est mon amie depuis de nombreuses années. Elle m’a offert ce livre pour mieux comprendre son île et ses habitants. Je la remercie infiniment.





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