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C'est bientôt fini : Gabriel Donzelli raconte sa guerre - Petit Palais des Glaces (Paris)

Par Filou49 @blog_bazart
mercredi 06 décembre

Capture d’écran 2023-12-06 à 08

Dans l’obscurité et l’attente du commencement, un air se déclenche : Enola Gay d’Orchestral Manoeuvres in the Dark. Emblème des années 80, elle a bercé l’enfance de Gabriel à la maison ou dans la voiture quand ses parents la chantaient les yeux dans les yeux, sur un chemin peu commun pour un petit d’un an, vers l’hôpital… Parce qu’Enola Gay ce n’est pas qu’un titre mais aussi le nom d’un avion bombardier qui a largué la bombe atomique sur Hiroshima… Aller vers l’hôpital a eu l’effet d’une bombe quand le diagnostic tombe. 

Cette histoire, on l’a déjà autant croisée autour de nous que sur le grand écran. C’était il y a 12 ans, la guerre était déclarée : sorti en 2011, sa mère, la comédienne et réalisatrice Valérie Donzelli, lui a consacré un film. Elle racontait le combat d’un couple, Roméo et Juliette, confronté au cancer du cerveau de leur enfant, Adam. Désormais, c’est Adam ou plutôt Gabriel qui se raconte, après ses parents, Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm.

Tout juste diplômé d’une école de cinéma, Gabriel Donzelli a d’abord envisagé l’écran pour son histoire, avant de se lancer sur les planches : "Pendant une longue période, j'ai pas réussi à mettre des mots sur ce qui m'était arrivé. (...) Vers mes 18 ans j'ai commencé à écrire pour essayer d'en parler", a déclaré l'artiste dans l’émission Quotidien. Il avait également "besoin d'une mise à nu complète", ce que la scène lui permet. Il a fallu des mois d’écriture, de réécriture et de rodage pour tomber d’accord sur le titre : « C’est bientôt fini ». Cette petite phrase, il l’a entendue toute enfance, surtout de ses 1 an à ses 5 ans pendant chaque examen médical. C’est aussi la conscience de sa propre finitude dès son début de vie : « on répète souvent cette phrase aux enfants pour calmer, bercer mais c’est pour faire patienter » ajoutait-il dans la talk-show. 

Co-écrit avec Timothé Fiorini, il ne laisse rien de côté : ni les situations les plus compliquées, ni les médecins, ni ses parents. Pour cela, il a choisi le rire. Son histoire reste une histoire joyeuse et le rire reste le seul procédé de montrer le décalage entre le bonheur de la naissance et l’ambiance à l’annonce du diagnostic : « C’est dans un but de reconstruction et d’apaisement que j’ai écrit ce spectacle. ». Gabriel Donzelli évoque les séquelles physiques et psychologiques sur son début de vie dans le but de lever le tabou sur le cancer.

Il se livre sur ce qu’il appelle son « syndrome de l’imposteur de l’handicapé » qu’il essaie de surmonter au quotidien, en maniant l’autodérision vis-à-vis de son propre corps, sa paralysie faciale…ou même sa stérilité. Tout cela en usant de la « métaphore de Marvel » : la chimio, c’est comme les Avengers. Ils sauvent New York mais détruisent quelques immeubles sur leur passage…

Capture d’écran 2023-12-06 à 08
Derrière le rire, on perçoit une grande peur, celle de faire souffrir les autres : il le confesse, lui et sa tumeur ont blessé sa mère, son père et tous ses proches. De là s’est développé une culpabilité chronique : « je m’excuse tous les jours pour tout et n’importe quoi » confie-t-il.  

Cette tumeur touche tous les aspects de sa vie, son entourage, le développement d’un enfant vers l’adolescence puis progressivement vers l’âge adulte. Garçon deviendra homme avec de nouveaux « départs » et sujets : les premières amitiés tardives mais saines et bienveillantes, le recul vis-à-vis de la relation avec son père, dont la réaction face à la maladie peut choquer… Tant de sujets entre-ouverts et qui auraient mérité d’être creusée de part l’importance de parler des masculinités. Et pourtant, sa masculinité est bien évoquée : Gabriel Donzelli confesse sa stérilité ou encore les quelques blagues destinées (à mon sens) à un public plus masculin.

Il faut aller voir ce seul-en-scène rien que pour l’énergie et le talent de Gabriel Donzelli pour incarner une galerie de personnages plus drôles et vrais les uns que les autres (énorme coup de cœur pour les scénaristes délurés de sa vie) tout en étant hyper vigilant vis-à-vis de son public. 

Crédits photos : Fabienne Rappeneau

C'est bientôt fini

avec Gabriel Donzelli.

Écrit par Gabriel Donzelli et Timothé Fiorini. Mise en scène de Valentine Catzéflis.

Jusqu’au 2 janvier au Petit Palais des Glaces (Paris 10e) 

Du 8 février au 15 juin 2024 à la Scala (Paris 11e)

 Jade SAUVANET 


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